mardi 7 juin 2016

Oui, la Torah est utile pour les chrétiens!!

Cette affirmation est celle que suggère différents passages du Nouveau Testament aux chrétiens qui le lisent, sa rare utilité aurait été juste de prédire la venue de Jésus. 

Nous ne pouvons souscrire à une telle affirmation pour plusieurs raisons. D'abord cette conclusion n'est énoncée nulle part dans les évangiles, même si en quelques endroits celle-ci est suggérée; ensuite, celui qui l'affirme est Paul, sous prétexte que la Loi ne sauve pas.

Paul quand il dit que le salut provient seulement de Jésus, se contente de plagier Philon d'Alexandrie qui affirme que la salut provient du Verbe-Logos (identifié à Jésus par Jean et Paul), mais ce que Paul oublie dans les affirmations de Philon c'est que la Torah prépare l'homme à être sauvé par le Logos. Paul fait partie de ces gens qui croient que la progression spirituelle se fait de rien à tout, un peu comme Athéna qui sort armée et adulte du crâne de Zeus. 

Le rejet de la Torah par le Nouveau Testament est en réalité une concession des chrétiens à l'Empire romain. En effet, l'État romain considérait que la Torah faisait obstacle à l'application du droit romain, puisqu'elle contient un droit concurrent en quelque sorte. En plus, l'État romain considérait que la Torah poussait les Juifs et les judaïsants à se révolter contre Rome. Les Romains reprochaient encore aux Juifs et aux judaïsants qu'en suivant la Torah, ils contrevenaient aux lois romaines. En effet, à partir de 130, la circoncision est assimilée dans le droit romain à une castration et donc interdite, elle ne redeviendra légale que sous le règne d'Antonin le Pieux et encore, pas complètement, puisqu'elle reste interdite aux convertis au judaïsme; elle n'est donc autorisée qu'aux bébés nés de parents Juifs. Enfin, la Torah poussait les Juifs et les judaïsants à adopter des mœurs différentes de celle de l'ensemble du monde romain: les Romains ne se reposent pas le septième jour, ils ne se reposent jamais d'ailleurs, et donc, le repos du sabbat est pour eux une simple fainéantise; ils sont tout autant critiques sur les pratiques alimentaires juives et sur les règles de pureté qui obligent les Juifs à s'isoler des autres citoyens romains. 

Et soudainement vint le christianisme qui affirme croire au même Dieu que les Juifs, qui abroge la Torah assimilée à un Ancien Testament, autrement dit qui oblige les chrétiens à être fidèles à Rome, à ne plus pratiquer la circoncision, à ne plus se reposer le jour du sabbat et à ne plus s'isoler pour pratiquer des règles de pureté. 

À bien y regarder, si l'Empire romain avait dû constituer un judaïsme pacifique envers Rome, il n'aurait pas été très différent du christianisme. 

En plus, comme dans le christianisme, Jésus est le messie et qu'il est déjà venu, plus besoin de suivre un faux messie comme bar kokheba qui a fait une dure révolte contre Rome.

Lorsqu'on lit bien les évangiles, on constate que Jésus reproche aux pharisiens d'avoir des prescriptions orales qui s'opposent à la lettre de la Torah, et qu'il rejette pour cette raison; si Jésus défend l'interprétation littérale de la Torah, il est clair qu'il ne l'abroge pas.

On a trouvé quelques fragments d'un évangile inconnu que l'on a appelé évangile d'Egerton, du nom de son propriétaire. Sans entrer dans les détails de ce texte, tous les critiques sont d'accord pour admettre qu'il s'agit d'un pré-évangile qui date des années 120–140 (notons que les savants chrétiens tentent au mépris de la réalité de ce texte de la faire passer pour un document qui daterait des années 50, en effet comment expliquer qu'en 120–140 circule un évangile primitif, alors que les quatre évangiles sont censés déjà circuler depuis plus de 60 ans. Plusieurs passages des évangiles montrent qu'ils contiennent des allusions à la seconde guerre judéo-romaine et prouve que les évangiles ne prirent leur forme définitive qu'après 140.) Mais revenons à l'évangile d'Egerton qui contient l'histoire du lépreux guéri par Jésus que l'on retrouve en Marc 1, 40–45, Matthieu 8, 2–4 et Luc 5, 12–16. Néanmoins, plusieurs différences existent entre le papyrus d'Egerton et les versions des synoptiques. Dans le papyrus d'Egerton, Jésus ne touche pas le lépreux, il se tient à distance et le guérit à distance. La Torah interdit à un homme de s'approcher d'un lépreux et a fortiori de le toucher. Dans le cas où Jésus touche le lépreux, il renie la Torah, dans le cas où il le guérit à distance, il se conforme pleinement aux prescriptions de la Torah et donc la confirme. 

D'autres passages montrent les réécritures dans les évangiles, nous pensons par exemple aux moments pour jeûner (Mt 9, 14–15; Mc 2, 18–20 et Luc 5, 33–35), en effet la conclusion de Jésus n'a guère de sens, la question est pourquoi ses disciples ne jeûnent-ils pas à ce moment précis, or on sait que le judaïsme est en tension entre écoles sur des questions de calendrier: les uns estiment qu'il faut suivre le calendrier solaire les autres estiment qu'il faut suivre un calendrier luni-solaire. 

On peut aussi songer à la discussion sur les épis arrachés pendant le sabbat (Matthieu 12, 1–8; Mc 2, 23–28; et Luc 6, 1–5), plusieurs spécialistes ont montré que la discussion n'a guère de sens et estiment que la discussion primitive ne concernait pas le fait d'arracher des épis pendant le sabbat, mais bien d'arracher des épis pendant la période de l'omer (dite des sept sabbats) et d'en manger avant que la part réservée au Temple ait été prélevée. Il est facile de comprendre qu'il s'agit en réalité d'hommes qui étaient affamés et qui avaient le besoin absolu et immédiat de manger. La décision de Jésus ressemble à celle de Mathathias qui a estimé qui si les Juifs sont attaqués pendant le sabbat, ils peuvent défendre leur vie dans le plein sens du terme; en effet, des Juifs pendant la révolte contre les Séleucides en –167 avaient été attaqués par les troupes syriennes et avaient été tués sans qu'ils se défendent parce que c'était le sabbat. Sa décision consiste à dire que l'homme peut manger si sa vie est menacée même si cela diminue les prélèvements envers le Temple. La partie finale: le fils de l'homme est maître même du sabbat, devait plutôt être quelque chose comme la vie est plus importante que les prélèvements du Temple. Il ne s'agit pas d'une remise en cause de la Torah, mais simplement d'une divergence interprétative entre exégètes juifs (Jésus d'un côté, les pharisiens de l'autre.)

Comme on le voit les réécritures des évangiles ont progressivement affirmé que la Torah ne devait pas être suivie par les chrétiens, parce qu'elle serait devenue inutile; mais de telles affirmations ne correspondent pas à l'enseignement original de Jésus. Dans le conflit entre les partisans de Jacques et ceux de Paul, c'est certes Paul qui a gagné, mais sa victoire n'est pas conforme aux enseignements de Jésus. 

Je peux néanmoins admettre que la terreur que faisaient peser les autorités romaines sur ceux qui judaïsaient ait pu pousser certains responsables à chercher un compromis, mais aujourd'hui ce compromis n'est plus utile: la circoncision n'est plus interdite, le sabbat n'est plus proscrit, et si les gens veulent manger en se conformant à des règles alimentaires, cela fait partie de leur libre choix. Les chrétiens devraient donc veiller à restaurer ce qui a été faussé et à se conformer à l'enseignement original, plutôt qu'à celui des copies falsifiées. Ces quelques passages montrent que les premiers chrétiens obéissaient à la Torah et que son rejet par les chrétiens postérieurs n'est pas justifié.

Mais à quoi sert la Torah? En effet, les chrétiens pour y revenir doivent aussi comprendre que la Torah n'est pas qu'une loi, mais une véritable méthode pour le rapprocher de Dieu. En effet, le judaïsme par la Torah définit des rythmes sacrés dans l'année liés aux fêtes agricoles; mais aussi indique les règles des purifications spirituelles et corporelles qui permettent à l'homme de se rapprocher de Dieu. En effet qui voudrait servir du bon vin dans un verre sale et souillé par la boue: personne. Quand on reçoit une bonne bouteille de vin, on prend ses plus beaux verres, on les nettoie même s'ils sont propres afin de profiter au mieux de l'arôme du vin, et enfin on le boit. Les prescriptions de la Torah ne sont en rien différentes, elles font que l'homme devient un réceptacle adéquat à la présence divine. La prière n'est pas suffisante, le rythme de vie est aussi important, l'ingestion de nourritures conformes aux prescriptions édictées par Dieu à Moïse sont autant de méthodes qui favorisent ce retour de l'homme à Dieu.

Certains se diront que l'auteur de l'article est peut-être juif, et qu'il tenterait de judaïser le christianisme. Et non, ni mes parents, ni mes grands-parents, ni mes arrières-grands-parents ne sont juifs, et même plus loin, ce n'est pas non plus le cas. Par contre, j'ai lu les évangiles et la Bible, et j'ai trouvé de nombreux préceptes dans les évangiles qui apparaissent comme des réécritures en vue de séparer les chrétiens des Juifs. Je peux admettre que les autorités chrétiennes aient choisi cette voie en vue de préserver les chrétiens pendant les persécutions anti-juives d'Hadrien, mais aujourd'hui ces persécutions sont terminées, cela fait donc depuis longtemps que les chrétiens auraient dû revenir à plus de judaïsme, mais ils ne l'ont pas fait, peut-être est-il temps de changer. 

Si on lit le Talmud, on constate qu'il y a une opposition à reconstituer l'État judéen ou d'Israël. Aujourd'hui, de nombreux Juifs ont compris que les rabbins avaient écrit de tels propos parce que le peuple juif sortait de trois révoltes (66–70; 115–118; et 132–135) qui avaient vu les populations juives être divisées par 10 (les Juifs sont passés de 5 millions en 50 à moins de cinq cent mille en 150); il était donc urgent pour les rabbins de décourager tout aventurisme indépendantiste qui mettrait en péril les communautés juives déjà menacées en de nombreux endroits. Mais aujourd'hui, après la shoah, il était évident que la recréation de l'État d'Israël était une nécessité, et les décisions talmudiques qui interdisaient de recréer l'État d'Israël ont ainsi été, à juste raison, abrogées.

Le véritable christianisme ou christianisme original n'est pas celui des Églises chrétiennes, mais bien le nazaréisme qu'il appartient à chaque chrétien de vouloir ou non reconstituer. 

Le christianisme est entré en pleine déliquescence: les Églises se vident, le message n'est plus compris, et le christianisme ressemble souvent à un socialisme croyant, voire à un club. Nous pensons que le christianisme a encore un avenir; mais le christianisme de demain, ce sera moins de Jésus et plus de Torah. Le christianisme se contente de sauver après la mort, alors que la pratique de la Torah rend l'homme participant à la vie divine dès cette vie-ci. 

De toute manière, la question à laquelle il appartient à chaque chrétien de répondre est la suivante: si la Torah vient de Dieu pourquoi n'est elle pas pratiquée par les chrétiens. Et si ils pensent qu'elle ne vient pas de Dieu, pourquoi la conserver, et que penser de Jésus qui s'appuie entièrement sur la Torah. Dieu changerait-il d'avis??????



Il est peut-être aussi temps d'appeler l'Ancien Testament par son nom, Tanak: la Loi, les prophètes et autre écrits (historiques, liturgiques, sapientiaux, etc.) et ainsi de mettre fin au mépris dans lequel il est tenu.

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