jeudi 31 mars 2016

Caractéristiques des temps messianiques

Voici une liste de prophéties messianiques:
« Les juges et les conseillers seront rétablis » (Isaïe 1:26)
Non accompli
« Il sera un arbitre entre les nations et le percepteur de peuples nombreux… » (Isaïe 2:4)
Non accompli
« … Seul Dieu sera grand en ce jour. » (Isaïe 2:17)
Non accompli
« Un rameau sortira de la souche de Jessé. » (Isaïe 11:1)
Discutable
« Sur lui reposera l'esprit du Seigneur : esprit de sagesse et d'intelligence, esprit de conseil et de force, esprit de science et de crainte de Dieu » (Isaïe 11:2)
Discutable, je peux trouver des textes esséniens qui montrent qu'Alexandre Jannée, le roi de Judée, avait toutes ses caractéristiques
« Il jugera les faibles avec justice, il rendra des arrêts équitables en faveur des humbles du pays... du souffle de ses lèvres, il fera mourir le méchant. » (Isaïe 11:4)
Jésus a dit qu'il ne jugera pas...
« ... Les nations se tourneront vers lui. » (Isaïe 11:10)
Les nations ne se sont pas tournées vers lui quand il vivait
« Il sera un messager de paix » (Isaïe 52:7)
Non accompli
« Car Ma Maison sera appelée une maison de prières pour toutes les nations. » (Isaïe 56:3-7)
Le temple est actuellement détruit
« En ces jours-là, dix hommes de toute langue, de toute nation, saisiront le pan de l'habit d'un seul individu juif en disant : Nous voulons aller avec vous car nous avons entendu dire que Dieu est avec vous ! » (Zacharie 8:23)
Inaccompli
« Les cités en ruine d'Israël seront restaurées » (Ezéchiel 16:55)
en cours de restauration
« Les armes de guerre seront détruites » (Ezéchiel 39:9)
on a jamais autant construit d'armes de guerre
« Le Temple sera reconstruit. » (Ezéchiel 40)
inaccompli
« Je gratifierai les peuples d'un idiome épuré, pour que tous invoquent le nom de l'Éternel et l'adorent d'un cœur unanime. » (Sophonie 3:9)
inaccompli
« ... Je ferai pénétrer ma loi en eux (la maison d'Israël), c'est dans leur cœur que Je l'inscrirai... Car, tous ils me connaîtront… » (Jérémie 31:33-34)
inaccompli
« Il prendra la terre inculte et la rendra abondante et fertile » (Isaïe 51:3, Amos 9:13-15, Ezéchiel 36:29-30, Isaïe 11:6-9)
inaccompli

Jésus n'a pas accompli les prophéties messianiques, il n'est donc pas le messie.


Les variantes de l'Évangile hébreu de Matthieu

Dans un autre article (http://essenochristianisme.blogspot.be/2016/03/ebionites-nazareens-elkasaites-et.html), nous avons cité quelques variantes des évangile hébreux qui concernaient surtout le début de cet évangile, mais tous ces passages sont très difficiles à élucider; la tradition a conservé d'autres variantes que ce soit dans l'Évangile hébreu, dans l'Évangile des Ébionites ou dans l'Évangile des Nazaréens, certaines courtes d'autres longues, certaines insignifiantes d'autres vraiment étonnantes. Nous allons donc les examiner ici. Nous avons repris les traductions publiées dans Écrits Apocryphes Chrétiens et les insérant dans leur contexte original, afin de les comprendre. Ces ajouts sont soulignés, et de tels ajouts peuvent impliquer d'autres ajouts vraisemblables mais non mentionnés, ils sont donnés en italique entre crochets; et parfois aussi des suppression, les plus probables sont barrées.
Signalons enfin que l'Évangile hébreu est une traduction grecque faite sur une version hébraïque, mais que cette version hébraïque est plus que probablement la traduction de la version grecque de l'Évangile des Ébionites et de l'Évangile des Nazaréens, du moins si ces deux textes n'en sont qu'un.

La péricope de la Guérison de l’homme à la main sèche en Matthieu 12, 9–13 comporte un ajout (d'après Jérôme, commentaire sur Matthieu) que nous intercalons dans le texte:
Étant parti de là, Jésus entra dans la synagogue. Et voici, il s’y trouvait un homme qui avait la main sèche. Il dit à Jésus: «J’étais maçon, et c’est par mes mains que j’arrivais à vivre; je t’en prie, Jésus, rends-moi la santé, de façon à ce que je n’ai pas la honte de mendier ma nourriture.» Ils demandèrent à Jésus: «Est-il permis de faire une guérison les jours de sabbat?» C’était afin de pouvoir l’accuser. Il leur répondit: «Lequel d’entre vous, s’il n’a qu’une brebis et qu’elle tombe dans une fosse le jour du sabbat, ne la saisira pour l’en retirer? Combien un homme ne vaut-il pas plus qu’une brebis! Il est donc permis de faire du bien les jours de sabbat.» Alors il dit à l’homme: «Étends ta main.» Il l’étendit, et elle devint saine comme l’autre.
La passage supprimé le fut probablement pour son rejet de dépendre de la charité. 

Une autre péricope réécrite est celle du Jeune homme riche en Matthieu 19, 16–26, néanmoins l'ajout d'Origène fait état d'un second riche, nous pensons que certaines parties du texte de Matthieu doivent être supprimées afin que le texte tienne la route.
Et voici, un homme s’approcha, et [deux riches s'approchèrent et le premier] dit à Jésus: «Maître, que dois-je faire de bon pour avoir la vie éternelle?» Il lui répondit : «Pourquoi m’interroges-tu sur ce qui est bon? Un seul est le bon. Si tu veux entrer dans la vie, observe les commandements.» — «Lesquels?» lui dit-il. Et Jésus répondit: «Tu ne tueras point; tu ne commettras point d’adultère; tu ne déroberas point; tu ne diras point de faux témoignage; honore ton père et ta mère;» et: «tu aimeras ton prochain comme toi-même.» Le jeune homme lui dit: «J’ai observé toutes ces choses; que me manque-t-il encore?» Jésus lui dit: «Si tu veux être parfait, va, vends ce que tu possèdes, donne-le aux pauvres, et tu auras un trésor dans le ciel. Puis viens, et suis-moi.» Après avoir entendu ces paroles, le jeune homme s’en alla tout triste; car il avait de grands biens. Le second des deux riches lui dit: «Maître, que dois-je faire de bien pour vivre?» Jésus lui dit: «Homme, pratique la Loi et les Prophètes.»  L’autre lui répondit: «Je l’ai fait.» Jésus lui dit: «Va, vends tout ce que tu possèdes et distribue-le aux pauvres, puis viens et suis-moi.» Le riche alors à se gratter la tête ; cela ne lui plaisait pas. Et le Seigneur lui dit: «Comment peux-tu dire: “J’ai pratiqué la Loi et les prophètes?” alors qu’il est écrit dans la Loi: “Tu aimeras ton prochain comme toi-même”, voici qu’un grand nombre de tes frères, fils d’Abraham, sont couverts d’ordure; mourant de faim, tandis que ta demeure regorge de biens et qu’il n’en sort absolument rien pour pour eux!» Et il ajouta, en se tournant vers son disciple Simon qui était assis à à côté de lui: «Simon, fils de Jonas, il est plus facile à un chameau de passer par le chas d’un aiguille, qu’à un riche d’entrer dans le royaume des cieux.» Jésus dit à ses disciples: «Je vous le dis en vérité, un riche entrera difficilement dans le royaume des cieux. Je vous le dis encore, il est plus facile à un chameau de passer par le trou d’une aiguille qu’à un riche d’entrer dans le royaume de Dieu.» Les disciples, ayant entendu cela, furent très étonnés, et dirent: «Qui peut donc être sauvé?» Jésus les regarda, et leur dit: «Aux hommes cela est impossible, mais à Dieu tout est possible.» 
Le passage fut supprimé parce qu'il montre bien la gestion déplorable de la Judée par l'Empire romain. Il est plus malaisé de déterminer si le récit originel comptait un ou deux riches: le premier qui s'en va et le second qui reste en affirmant qu'il a pratiqué le loi et les prophète, mais Jésus lui rétorque qu'il n'a rien fait du tout; notons que le dernier verset a plus de sens avec l'ajout de l'Évangile des Hébreux.

La Parabole des talents (Matthieu 25, 14–30) était différente dans l'Évangile hébreu, d'après Eusèbe, ce dernier résume sans citer exactement, voici d'abord le texte de Matthieu: 
Il en sera comme d’un homme qui, partant pour un voyage, appela ses serviteurs, et leur remit ses biens. Il donna cinq talents à l’un, deux à l’autre, et un au troisième, à chacun selon sa capacité, et il partit. Aussitôt celui qui avait reçu les cinq talents s’en alla, les fit valoir, et il gagna cinq autres talents. De même, celui qui avait reçu les deux talents en gagna deux autres. Celui qui n’en avait reçu qu’un alla faire un creux dans la terre, et cacha l’argent de son maître. Longtemps après, le maître de ces serviteurs revint, et leur fit rendre compte. Celui qui avait reçu les cinq talents s’approcha, en apportant cinq autres talents, et il dit : «Seigneur, tu m’as remis cinq talents; voici, j’en ai gagné cinq autres.» Son maître lui dit: «C’est bien, bon et fidèle serviteur; tu as été fidèle en peu de chose, je te confierai beaucoup; entre dans la joie de ton maître.» Celui qui avait reçu les deux talents s’approcha aussi, et il dit: «Seigneur, tu m’as remis deux talents; voici, j’en ai gagné deux autres.» Son maître lui dit: «C’est bien, bon et fidèle serviteur; tu as été fidèle en peu de chose, je te confierai beaucoup; entre dans la joie de ton maître.» Celui qui n’avait reçu qu’un talent s’approcha ensuite, et il dit: «Seigneur, je savais que tu es un homme dur, qui moissonnes où tu n’as pas semé, et qui amasses où tu n’as pas vanné; j’ai eu peur, et je suis allé cacher ton talent dans la terre; voici, prends ce qui est à toi.» Son maître lui répondit: «Serviteur méchant et paresseux, tu savais que je moissonne où je n’ai pas semé, et que j’amasse où je n’ai pas vanné; il te fallait donc remettre mon argent aux banquiers, et, à mon retour, j’aurais retiré ce qui est à moi avec un intérêt. Ôtez-lui donc le talent, et donnez-le à celui qui a les dix talents. Car on donnera à celui qui a, et il sera dans l’abondance, mais à celui qui n’a pas on ôtera même ce qu’il a. Et le serviteur inutile, jetez-le dans les ténèbres du dehors, où il y aura des pleurs et des grincements de dents.»
D'après Eusèbe, il y a aussi trois serviteurs, un qui fait fructifier le bien, l'autre qui l'enterre et le dernier qui le dilapide. Les accusations que fait le serviteur à son maître considéré comme un homme dur sont peu vraisemblables dans ce cas; mais il est aussi plus vraisemblable (Eusèbe ne le précise pas) que chaque serviteur avait reçu un nombre égal de talents. Nous proposons donc la reconstitution suivante:
Il en sera comme d’un homme qui, partant pour un voyage, appela ses serviteurs, et leur remit ses biens. Il donna [à chacun] cinq talents, et il partit. Aussitôt, [le premier] les fit valoir, et il gagna cinq autres talents. [Le second] alla faire un creux dans la terre, et cacha l’argent de son maître. [Le troisième mangea le bien de son maître avec des courtisanes et des joueuses de flûte.] Longtemps après, le maître de ces serviteurs revint, et leur fit rendre compte. [Le premier] s’approcha, en apportant cinq autres talents, et il dit : «Seigneur, tu m’as remis cinq talents; voici, j’en ai gagné cinq autres.» Son maître lui dit: «C’est bien, bon et fidèle serviteur; tu as été fidèle en peu de chose, je te confierai beaucoup; entre dans la joie de ton maître.» [Le second] s’approcha ensuite, et il dit: «Seigneur, je suis allé cacher ton talent dans la terre; voici, prends ce qui est à toi.» Son maître lui répondit: «Serviteur méchant et paresseux, ôtez-lui donc [les cinq talents] et donnez-les à celui qui a les dix talents. Car on donnera à celui qui a, et il sera dans l’abondance, mais à celui qui n’a pas on ôtera même ce qu’il a. Et le serviteur inutile, jetez-le dans les ténèbres du dehors. [Le maître fit venir le troisième serviteur qui avait dilapidé son bien, et ayant appris sa faute, il dit: «Pour avoir mangé et bu avec les ivrognes, que tu sois jeté en prison] où il y aura des pleurs et des grincements de dents.»
Eusèbe n'ayant pas cité avec exactitude, nous avons reconstitué comme nous l'avons compris. Nous avons supprimé la mention du mauvais maître qui pourrait être une écriture marcionite visant à comparer Dieu au démiurge et sur laquelle Eusèbe ne dit rien.

D'après une version d'un de ces évangiles, les circonstances du baptême de Jean sont différentes:
Voici que la mère du Seigneur et ses frères lui disaient: «Jean-Baptiste baptise pour la rémission des péchés; allons nous faire baptiser par lui.» Il leur répondit: «Quel péché ai-je commis pour que j’aille me faire baptiser par lui? à moins peut-être que cela même que je viens de dire soit de l’ignorance.» Alors Jésus alla de la Galilée au Jourdain vers Jean, pour être baptisé par lui. [Matthieu 3, 13.]
En Matthieu 4, 5, l'Évangile hébreu a:
Le diable le transporta dans la ville sainte Jérusalem, le plaça sur le haut du temple.

En Matthieu 5, 22, l'Évangile hébreu a:
Mais moi, je vous dis que quiconque se met en colère sans raison contre son frère mérite d’être puni par les juges
Ce qui implique que même avec une raison, il ne faut pas se mettre en colère contre son frère.

Dans le Notre Père, on a: pain du lendemain. Au lieu de: pain consubstantiel.

Le logion de Matthieu 7, 21–23 comporte un ajout:
Ceux qui me disent: «Seigneur, Seigneur! n’entreront pas tous dans le royaume des cieux, mais celui-là seul qui fait la volonté de mon Père qui est dans les cieux.» Plusieurs me diront en ce jour-là: «Seigneur, Seigneur, n’avons-nous pas prophétisé par ton nom? n’avons-nous pas chassé des démons par ton nom? et n’avons-nous pas fait beaucoup de miracles par ton nom?» Alors je leur dirai ouvertement: «Je ne vous ai jamais connus, retirez-vous de moi, vous qui commettez l’iniquité. Si vous êtes dans mon sein et que vous ne faites pas la volonté de mon Père qui est dans les cieux, je vous expulserai de mon sein.»

En Matthieu 10, 16, on a:
Voici, je vous envoie comme des brebis au milieu des loups. Soyez donc prudents comme les  davantage que des serpents, et simples comme les colombes.

Ajout à Matthieu 10, 33–35:
Ne croyez pas que je sois venu apporter la paix sur la terre; je ne suis pas venu apporter la paix, mais l’épée. Car je suis venu mettre la division entre l’homme et son père, entre la fille et sa mère, entre la belle-fille et sa belle-mère; et l’homme aura pour ennemis les gens de sa maison. Je choisis pour moi les bons, ces bons que m’a donné mon Père qui est au ciel.

En Matthieu 11, 25–26, on a:
En ce temps-là, Jésus prit la parole, et dit: «Je te loue Je te rends grâce, Père, Seigneur du ciel et de la terre, de ce que tu as caché ces choses aux sages et aux intelligents, et de ce que tu les as révélées aux enfants. Oui, Père, je te loue de ce que tu l’as voulu ainsi.
Il n'est pas précisé si le second Je te loue est aussi remplacé par je te rends grâce.

Suppression(s) en Matthieu 12, 40:
Car, de même que Jonas fut trois jours et trois nuits dans le ventre d’un grand poisson, de même le Fils de l’homme sera trois jours et trois nuits dans le sein de la terre.
Il n'est pas certain que la première mention ait été supprimée, on est juste certain que la seconde manquait.

En Matthieu 15, 5:
Mais vous, vous dites: «Celui qui dira à son père ou à sa mère: “Ce dont j’aurais pu t’assister est une offrande à Dieu corban”, n’est pas tenu d’honorer son père ou sa mère.»

Simon fils de Yonas est parfois appelé Simon fils de Jean (Shimeon ben Yôhanan).

En Matthieu 18, 21–22, l'Évangile hébreu a:
Jésus dit: «Si ton frère a péché en parole et t'a offert réparation, pardonne-lui sept fois en un jour.» Son disciple Simon Alors Pierre s’approcha de lui, et dit: «Seigneur, combien de fois pardonnerai-je à mon frère, lorsqu’il péchera contre moi? Sera-ce jusqu’à sept fois en un jourJésus Le Seigneur lui répondit: «Je ne te dis pas jusqu’à sept fois, Et bien plus, je te le dis: mais jusqu’à septante fois sept fois; car même chez les prophètes, après leur onction par l'Esprit Saint, il s'est trouvé des parles de péché.»
Notons qu'il y a une grosse faute, le verset s'inspire de Genèse 4, 23–24, qui dit:
Lamec dit à ses femmes: «Ada et Cilla, écoutez ma voix! Femmes de Lamec, prêtez l’oreille à ma parole! J’ai tué un homme parce qu’il m’avait frappé, Et un jeune homme à cause de ma blessure: Si Caïn doit être vengé sept fois, Lamec le sera soixante-dix-sept fois.»
C'est bien de 77 fois et non de 70 fois 7 fois dont il est question.

En Matthieu 23, 33–35, il y a:
Serpents, race de vipères! comment échapperez-vous au châtiment de la géhenne? C’est pourquoi, voici, je vous envoie des prophètes, des sages et des scribes. Vous tuerez et crucifierez les uns, vous battrez de verges les autres dans vos synagogues, et vous les persécuterez de ville en ville, afin que retombe sur vous tout le sang innocent répandu sur la terre, depuis le sang d’Abel le juste jusqu’au sang de Zacharie, fils de Barachie Yoïada, que vous avez tué entre le temple et l’autel.
Zacharie fils de Barachie est bien entendu fautif, il s'agit d'un anachronisme, puisque ce Zacharie fils de Barachie est un notable juif assassiné par les zélotes pendant la Ière Guerre judéo-romaine d'après Flavius Josèphe, donc 40 ans après la mort de Jésus. La correction a été faite d'après II Chroniques 24, 20–22.

Pour Matthieu 26, 23–24, on a:
Peu après, ceux qui étaient là, s’étant approchés, dirent à Pierre: «Certainement tu es aussi de ces gens-là, car ton langage te fait reconnaître.» Alors il se mit à faire des imprécations et à jurer : «Je ne connais pas cet homme.» Et il nia, jura et maudit. Aussitôt le coq chanta.
Dans l'Évangile hébreu, on lit que c'est le linteau du Temple qui se fendit et se cassa, et non le voile qui se déchira au moment de la mort de Jésus. On voit bien à ce passage que le voile est une correction, en effet, le linteau du Temple s'est bien cassé, mais au moment de la destruction du Temple par Titus.

En Matthieu 27, 65, on lit:
Pilate leur dit: «Vous avez une garde; allez, gardez-le comme vous l’entendrez.» 
Alors que dans l'Évangile hébreu, on lit:
Et Pilate leur donna des hommes d’armes, pour qu’ils demeurent en faction devant la caverne et la surveillent jour et nuit.
Au lieu de Matthieu 3, 1–5:
En ce temps-là parut Jean Baptiste, prêchant dans le désert de Judée. Il disait: «Repentez-vous, car le royaume des cieux est proche.» Jean est celui qui avait été annoncé par Ésaïe, le prophète, lorsqu’il dit: C’est ici la voix de celui qui crie dans le désert: Préparez le chemin du Seigneur, Aplanissez ses sentiers. Jean avait un vêtement de poils de chameau, et une ceinture de cuir autour des reins. Il se nourrissait de sauterelles et de miel sauvage. 
L'Évangile des Ébionites a d'après Épiphane:
Voici que Jean baptisait; des pharisiens virent pour à lui pour se faire baptiser, ainsi que tout Jérusalem. Jean avait un vêtement de poil de chameau et une ceinture de cuir autour des reins; il se nourrissait de miel sauvage, dont le goût est celui de la manne, comme un gâteau à l'huile.
Il est peu vraisemblable que Jean se soit nourri de sauterelles, surtout en tant que qohen, dont beaucoup étaient végétariens; notons qu'il ne s'est pas plus vêtu de poil de chameau et ni qu'il avait une ceinture de cuir autour de la taille, car les qohens portaient des vêtements de lin et non des vêtements animaux; quant à la ceinture, ils ne la portaient que quand ils servaient au Temple.

Il existe deux versions du baptême de Jésus par Jean, une transmise par Épiphane et l'autre par saint Jérôme. Voyons la version officielle et les variantes.s
Alors Jésus vint de la Galilée au Jourdain vers Jean, pour être baptisé par lui. Mais Jean s’y opposait, en disant: «C’est moi qui ai besoin d’être baptisé par toi, et tu viens à moi!» Jésus lui répondit: «Laisse faire maintenant, car il est convenable que nous accomplissions ainsi tout ce qui est juste.» Et Jean ne lui résista plus. Dès que Jésus eut été baptisé, il sortit de l’eau. Et voici, les cieux s’ouvrirent, et il vit l’Esprit de Dieu descendre comme une colombe et venir sur lui. Et voici, une voix fit entendre des cieux ces paroles: Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui j’ai mis toute mon affection. [Matthieu 3, 13–17.]
Et il arriva que, lorsque le Seigneur fut remonté de l'eau, toute source de l'Esprit saint descendit, se reposa sur lui et lui dit: Mon Fils, dans tous les prophètes, j'attendais que tu viennes pour me reposer en toi. Car tu es mon repos, tu es mon Fils premier-né qui règnes pour l'éternité. [Jérome, commentaire sur Isaïe.]
Le peuple ayant été baptisé, Jésus vint aussi se faire baptiser par Jean. Comme il remontait de l'eau, les cieux s'ouvrirent et il vit l'Esprit saint sous la forme d'une colombe qui descendait et entrait en lui. Une voix venant du ciel dit: «Tu es mon  Fils bien aimé, en toi je me suis complu.» Et à nouveau: «Je t'ai engendré aujourd'hui.» Aussitôt une grande lumière éclaira tout l'endroit. En la voyant, Jean lui dit: «Qui es-tu donc?» Et à nouveau une voix vint du ciel vers lui: «Celui-ci est mon fils bien aimé en qui je me suis complu.» S'étant prosterné, Jean lui dit: «Je te prie, Seigneur, toi aussi, baptise-moi.» Mais Jésus l'empêcha en disant: «Laisse, car c'est ainsi qu'il convient que tout soit accompli.» [Panarion 30, 13, 7–8.]  
Ce passage n'est probablement pas une version originale, mais une recombinaison de versions différentes. 

Dans Origène, on lit:
Tout à l'heure ma Mère, le Saint-Esprit m'a pris par un de mes cheveux et m'a transporté sur la grande montagne le Thabor.
Nous ne voyons pas trop à quel épisode rattacher ce verset. Peut-être un début différent pour la transfiguration. 

D'après Clément d'Alexandrie, l'Évangile hébreu a le logion:
Qui se sera étonné deviendra roi et qui sera devenu roi aura le repos.
ainsi que le suivant:
Qui cherche n'aura pas de cesse qu'il ne trouve; quand il aura trouvé, il sera émerveillé; une fois émerveillé, il deviendra roi; devenu roi, il aura le repos.
Le début du second logion correspond a Matthieu 7, 7 qui dit:
Demandez, et l’on vous donnera; cherchez, et vous trouverez; frappez, et l’on vous ouvrira.
Mais le reste n'a pas de comparaison dans Matthieu. Par contre, il y a des comparaison avec l'Évangile de Thomas trouvé à Nag Hammadi:
(1) Jésus a dit: Celui qui cherche, qu’il ne cesse de chercher jusqu’à ce qu’il trouve; (2) quand il aura trouvé, il sera troublé; (3) troublé, il s’étonnera et il régnera sur le Tout.

Dans Jérôme, on découvre le fragment suivant:
Ne soyez jamais joyeux tant que vous n'aurez pas regardé votre frère avec amour.
Ce fragment est impossible à situer, tout en étant proche de 5, 23–24: 
Si donc tu présentes ton offrande à l’autel, et que là tu te souviennes que ton frère a quelque chose contre toi, laisse là ton offrande devant l’autel, et va d’abord te réconcilier avec ton frère; puis, viens présenter ton offrande.
L'Évangile hébreu précise encore que Jésus rendit le linceul au serviteur du prêtre (donc Joseph d'Arimathie); qu'il mangea de la viande à la Pâque et non du pain; quant au pain rompu, Jésus le fera après sa résurrection. 

Voici pour les différences qui ont été rapportées par la tradition entre l'Évangile de Matthieu et les évangiles Hébreu, des Ébionites et des Nazaréens. Certaines sont mineures et d'autres sont importantes. 

Cet évangile hébreu n'est certainement pas l'évangile original, mais plutôt un évangile intermédiaire entre les originaux et le définitif. Il a dû exister en deux versions, une qui doit être le Matthieu intermédiaire et l'autre qui en est la traduction en hébreu retraduite en Grec, ce qui implique qu'il a dû se perdre très tôt. 


mercredi 30 mars 2016

Ébionites, nazaréens, elkasaïtes et autres chrétiens judaïsants…

Ébionites vient de l'hébreu 'ebyôn qui signifie «pauvre» et nazaréens vient de l'hébreu notzerîm qui signifie «sentinelles» au sens militaire et «ceux qui observent sous-entendu strictement les commandements».
Les Elkasaïtes désigne les disciple d'El-kasay («Force cachée») qui semble avoir été un Grec converti au judaïsme baptiste et qui a combattu aux côtés des Juifs pendant la révolte des Communautés (115–118); lui et ses disciples seront exterminés par les Romains et seules quelques communautés survivront en Syrie et à Petra. C'est dans une communauté elkasaïte que naîtra Mani et c'est probablement l'elkasaïsme de Petra qui deviendra en Arabie l'Islam. Ces trois groupes sont des chrétiens judaïsants dont la caractéristique commune est de ne pas reconnaître la naissance divine de Jésus ni sa divinité. El-Qasay étant trop difficile à circonscrire, nous ne nous en occuperons pas ici; mais il semble avoir reçu une révélation directe, mais son ouvrage est aujourd'hui perdu: il y décrit Jésus sous la forme d'un homme immense et l'Esprit-Saint sous la forme d'une femme immense; ces descriptions s'apparentent fortement aux spéculations sur Metatron et sur la mesure du corps de Dieu dans la littérature des Palais (littérature mystique juive IIe–Xe siècle).

Dans sa Réfutation de toutes les hérésies [Philosophumena ou Elenchos], Hippolyte de Rome consacre une brève notice aux Ébionites, dont il dit qu’ils
reconnaissent que le monde est l’œuvre de Dieu; mais, au sujet du Christ, ils débitent les mêmes fables que Cérinthe et Carpocras [ils affirment donc que Jésus est fils de Joseph et de Marie, et qu’il n’y a eu aucun miracle dans sa naissance et dans sa conception]. Ils vivent à la manière des Juifs, prétendant être justifié par la Loi [à rapprocher de l’Épître de Jacques]. D’après eux, c’est en pratiquant les œuvres de la Loi que Jésus est devenu juste; c’est pour cela qu’il a mérité le nom de christ de Dieu, personne n’ayant accompli la Loi; car si quelque autre avait observé les prescriptions de la Loi, il aurait été le Christ. D’ailleurs, en suivant l’exemple de Jésus, ils peuvent devenir eux-mêmes des Christ, car Jésus, disent-ils, est un homme pareil aux autres. 
Dans ce même ouvrage, Hippolyte attaque indifféremment les gnostiques, les païens et ... les chrétiens qui judaïsent trop à son goût, par exemple ceux qui fêtent la Pâque d'après le Judaïsme. Les chrétiens qui judaïsent semblent avoir été un problème récurent pour les pères de l'Église qui les attaquaient encore au début du Ve siècle, en critiquant ces chrétiens qui fêtaient Yom Kippour avec les Juifs et jeûnaient ce jour-là, etc.
Hippolyte parle encore de chrétiens judaïsants pour qui Melkitzedeq [peut-être une erreur pour Hénoch] était plus important que Jésus, sans qu'il ne nous en apprenne beaucoup sur eux. 
Les attaques contre les chrétiens qui judaïsent sont anciennes, puisque Paul dans ses épîtres dit:
Je veux cependant que vous sachiez que Christ est le chef de tout homme, que l’homme est le chef de la femme, et que Dieu est le chef de Christ. Tout homme qui prie ou qui prophétise, la tête couverte, déshonore son chef. Toute femme, au contraire, qui prie ou qui prophétise, la tête non voilée, déshonore son chef: c’est comme si elle était rasée. Car si une femme n’est pas voilée, qu’elle se coupe aussi les cheveux. Or, s’il est honteux pour une femme d’avoir les cheveux coupés ou d’être rasée, qu’elle se voile. L’homme ne doit pas se couvrir la tête, puisqu’il est l’image et la gloire de Dieu, tandis que la femme est la gloire de l’homme. [Ière Épître aux Corinthiens 11, 3–7.]
Par tête couverte, il est vraisemblable que Paul vise les chrétiens qui prient couverts d'un talith gadol (châle de prière) et probablement de tefilin, voire aussi d'une kippa. Il s'agit bien d'un passage composé en vue de déjudaïser les chrétiens...

Tous ces groupes de chrétiens judaïsants sont très mal connus, leurs textes ne nous sont pas parvenus, seulement des extraits ou des réfutations. Si les marcionnites n'admettaient que l'Évangile de Luc sous une forme particulière, les chrétiens judaïsants n'acceptaient qu'un Évangile de Matthieu différent de l'Évangile de Matthieu actuel. Cet évangile dérivé de Matthieu est connu sous trois appellations, mais on ignore s'il s'agit de trois textes différents ou de trois noms d'un même texte. C'est ainsi que les uns parlent d'un Évangile des Nazaréens, d'autres d'un Évangile des Ébionites, et d'autres encore d'un Évangile aux Hébreux.

Leur rejet de la divinité de Jésus implique qu'ils devaient rejeter les chapitres I et II de Matthieu. Et, en effet, leur évangile commençait, d'après Épiphane, comme suit:
Il arriva, au temps d'Hérode, roi de Judée, sous le sacerdoce de Caïphe que survint un homme du nom de Jean, il baptisait d'un baptême de conversion dans le fleuve du Jourdain; on disait qu'il était de la race du prêtre Aaron, et fils de Zacharie et d'Élisabeth. Et tous venaient à lui. [Panarion 30, 13, 6.]
Épiphane dit que leur évangile est très mutilé, il peut néanmoins mal citer le texte en vue de les ridiculiser; en effet, le début de cet évangile correspond au début du verset 2, 1 de Matthieu qui dit:
Jésus étant né à Bethléem en Judée, au temps du roi Hérode.
Le roi Hérode est mort en –4 et Caïphe fut grand-prêtre de 18 à 34, on est en plein anachronisme.
Les différentes citations qu'Épiphane donne de cet évangile sont assez incohérentes entre elles, ainsi la première mention de Jésus dans cet évangile serait peut-être la suivante:
Il y eut un homme du nom de Jésus, il avait environ 30 ans [provient de Luc 3, 23] qui nous choisit. Il vint à Capharnaüm, entra dans la maison de Simon surnommé Pierre, ouvrit la bouche et dit: «En passant le long du lac de Tibériade, j'ai choisi Jean et Jacques fils de Zébédée, Simon, André ... Thaddée, Simon le Zélote, Judas Iscariote; et toi Matthieu, je t'ai appelé alors que tu étais assis au bureau des taxes et tu m'as suivi. Je veux ainsi que vous soyez douze apôtres pour témoigner auprès d'Israël. [Panarion 30, 13, 2–3.]
Notons le ton personnel et direct de Jésus envers Matthieu, alors que l'Évangile de Matthieu a plutôt tendance à séparer le Matthieu apôtre du Matthieu auteur de l'évangile.
Peut-être que cet évangile est un évangile plus primitif que celui du Matthieu actuel. En effet, Marcion en 138 parvint à prendre une copie d'un ensemble de textes après qu'il eut offert 15 kg d'or à l'Église de Rome. Cet ensemble de texte comportait quatre évangiles et neuf lettres de Paul. De ce que l'on peut déduire des thèses de Marcion, les évangiles ne comportaient rien sur les origines et la naissance de Jésus, ce qui lui fit croire que Jésus était apparu spontanément vers 30, à l'époque de Tibère. Or Marcion affirme aussi que les évangiles qui furent produits dans les années 145, ont modifié des passages, ainsi il disait qu'au lieu de
Ne croyez pas que je sois venu pour abolir la loi ou les prophètes ; je suis venu non pour abolir, mais pour accomplir. [Matthieu 5, 17.] 
Il lisait:
Je ne suis pas venu pour accomplir la loi, mais pour l'abolir.
Or d'après Épiphane, l'Évangile des Ébionites avait:
Je suis venu abolir les sacrifices et si vous ne vous détournez pas du sacrifice, la colère ne se détournera pas de vous.
Ce n'est pas exactement ce que dit Marcion, mais cela s'en rapproche fortement.

Ceci confirme encore une fois le caractère tardif des évangiles, et que le texte que Marcion eut entre les mains et qui était le seul texte disponible à Rome en 138, ne comportait rien sur les origines de Jésus. Il n'est d'ailleurs pas compliqué de constater que les parties préliminaires de Matthieu et de Luc dépendent du Proto-évangile de Jacques que l'on date habituellement de 140. Il est enfin probable que ce Matthieu intermédiaire était plus judaïsant que le Matthieu qui nous est parvenu, raison pour laquelle il fut adopté par les chrétiens judaïsants et rejeté par Marcion; alors que le Luc intermédiaire était plus paganisant que le Luc qui nous est parvenu, raison pour laquelle il était rejeté par les chrétiens judaïsants, alors qu'il servit de base à l'Evangelion de Marcion. La version révisée à laquelle travaillèrent les rédacteurs des évangiles aura probablement été de supprimer les positions trop judaïsantes de Matthieu et trop paganisantes de Luc, une sorte de lissage finale. Il est donc aussi très probable qu'au sein du christianisme primitif (enfin des années 140), le mouvement chrétien était écartelé entre une tendance de rejet du judaïsme et une tendance ultra judaïsante, et que les textes définitifs (ceux qui nous sont parvenus) ne furent que des tentatives de compromis afin de tenter de contenter tout le monde. Notons encore l'Évangile de Jean qui fera la part belle aux thèses philosophiques des judaïsants d'Alexandrie.

D'autres différences existaient encore dans cet évangile des ébionites, comme le repas pascal que Jésus et ses disciples mangeaient et qui fut composé de viande et de vin et non de pain et de vin. Il semble par contre que ce soit après sa mort que Jésus donne le pain. Notons encore l'expression très curieuse que dit Jésus à Jacques en lui donnant le pain:
Mon frère mange ton pain, puisque le fils de l'homme est ressuscité de ceux qui dorment.
Ce qui peut s'entendre d'une expérience spirituelle, plus que d'une mort réelle. D'autres exemples modifient aussi les évangiles, Jean demande à Jésus d'être baptisé du saint-esprit après avoir baptisé Jésus d'eau, et Jésus refuse.

Ébionites et nazaréens se basaient sur une tradition chrétienne authentique mais plus primitive que celle qui fut finalement adoptée; ils suivaient la foi de Jésus plutôt que la foi en Jésus.

Quant à l'explication des évolutions de la personne de Jésus, elle n'est pas aussi complexe qu'on le croit. Le mouvement de Jésus est avant tout un mouvement Juif, et tant qu'il fut majoritairement juif, il est demeuré juif. Or, en 118, pour punir les Juifs de la révolte des Communautés, les Romains ont déporté l'ensemble des communautés juives en Judée: les synagogues d'Alexandrie, d'Égypte, de Cyrénaïque, d'Antioche, de Chypre et probablement de Rome devinrent peuplées de païens convertis à des degrés divers au judaïsme et de métis judéo-grecs. Rappelons que dans les communautés juives de l'Empire romain, la transmission de la judéité se faisait par le père et non par la mère, autrement dit tous ces métis étaient juifs pour le judaïsme hellénistique et non-juifs pour le judaïsme rabbinique, c'est probablement de cette divergence qu'est issu le christianisme. Les règles de conversion étaient aussi plus souples dans le judaïsme alexandrin, il est donc très probable que de nombreuses conversions, si ce n'est toutes, furent invalidées par les rabbins de Yavneh.




samedi 26 mars 2016

Qui est Judas Iscariot?

On a retrouvé un évangile qui lui est attribué. Cet Évangile de Judas nous apprend qu'en réalité il n'est pas coupable et aurait agi sur base des ordres de Jésus lui-même: l'évangile est gnostique et date du IVe siècle, mais nous ne nous occuperons pas de ce Judas tardif.
La place de Judas dans les évangiles est assez complexe à comprendre; en fait, il s'agit d'un anachronisme des narrateurs. On croit que les évangiles racontent l'histoire de Jésus, mais ils racontent surtout l'histoire de Jésus tel que nous voulons que l'on croie qu'il ait été. Par exemple, avec le mot «Nazaréen» dont nous avons montré que ce titre désigne en réalité non un habitant de Nazareth, mais bien un de ceux que l'on appelle les Notzrîm en hébreu, c'est-à-dire les «Sentinelles» au sens militaire et «ceux qui observent» les commandements. Il s'agit d'une secte juive particulièrement rigoriste dans l'application des commandements et qui semble avoir eu une structure fortement militarisée similaire aux hassidéens et liée à Jésus et à Jean le Baptiste, comme le compris très bien El_Qasay. («Force Cachée», il s'agit d'un Grec qui s'appelait peut-être Alcios et qui s'était converti au Judaïsme auprès d'un disciple de Jean Baptiste; il se livrera à une intense activité de conversion et convaincra d'innombrables Grecs et Syriens à se convertir; ceux-ci feront cause commune avec les insurgés juifs pendant la Révolte des Communautés en 115–118. El_Qasay mourut au combat et les rares survivants parmi ses disciples se réfugièrent à Petra et dans le désert syrien pour échapper à la répression romaine.) L'affirmation que Jésus est originaire de Nazareth est une simple manipulation pour effacer auprès des Romains le passé révolutionnaire des Nazaréens (Notzerîm), de Jésus le Nazaréen.
Venons-en à Judas.
Judas est donc celui qui a livré Jésus au grand-prêtre et qui a trahi Jésus. 
Cette seule information n'est déjà pas certaine, puisque Paul dans ses lettres ne mentionne que Jésus livré et que le seul sens qu'on peut donner à ce mot, est livré aux Romains pour qu'il soit exécuté. La trahison de Judas lui est inconnue, puisqu'il dit encore:
Je vous ai enseigné avant tout, comme je l’avais aussi reçu, que Christ est mort pour nos péchés, selon les Écritures; qu’il a été enseveli, et qu’il est ressuscité le troisième jour, selon les Écritures; et qu’il est apparu à Céphas, puis aux douze. [Ière Épître aux Corinthiens 15, 3–5.]
Notons que le groupe des douze est intact, ce qui implique qu'aucun n'a trahi, et que Pierre [Cephas] ne fait pas partie des douze, ce qui est encore plus étonnant, mais qui montre bien qu'il y a eu de nombreuses réécritures.
On connaît d'ailleurs deux morts de Judas, une par suicide racontée par Matthieu et qui est une imitation du suicide d'Ahîtôfèl [אחיתופל] qui trahit le roi David au profit d'Absalom, ce qui montre non que cet épisode est une préfiguration de Jésus, mais bien que les auteurs des évangiles lisaient l'Ancien Testament. La seconde version se trouve dans les Actes des Apôtres [1, 18] et dit que Judas mourut d'une chute qui lui rompit les entrailles et qu'il a acquis un champ avec les 30 deniers.

L'importance de Judas réside dans son surnom: Iscariote. Ce surnom ne vient pas de la tribu d'Issachar ou de la cite de Qeriyoth, mais bien du latin sicarius, qui désigne un poignard à manche court, mais qui était aussi utilisé par les révolutionnaires juifs pour assassiner des Romains, ou des Juifs aux mœurs relâchées, aussi pour circoncire les non-Juifs qu'ils convertissaient. Sicarius a fini par désigner directement ces révolutionnaires appelés par les Romains les Sicaires. En Actes 21, 38, le mot sicaire est utilisé en grec sikarioi, quant au surnom de Judas, il s'écrit en grec Iskariôth, Judas est donc bien Judas le Sicaire. 
Judas Iscariote est dit être le fils de Simon lui aussi surnommé Iskariôth donc «le Sicaire». Simon le Sicaire n'est pas compliqué à identifier, il s'agit d'un des fils de Judas le Galiléen qui entra en insurrection contre Rome lors du recensement de 6; c'est de cette révolte qu'émergeront les radicaux sicaires. Simon le Sicaire fut exécuté vers 47 par Tibère Alexandre qui était alors procurateur de Judée, ainsi que le rapporte Flavius Josèphe qui dit que c'est alors
que furent accablés les fils de Judas le Galiléen qui avait excité le peuple à se révolter contre les Romains lorsque Quirinus procédait au recensement de la Judée, comme nous l'avons raconté précédemment; c'étaient Jacob et Simon, [Tibère] Alexander ordonna de les mettre en croix. [Flavius Josèphe, Antiquités Juives, Livre XX, chap. V, §2.]
À partir de ces éléments, comprendre Judas devient assez simple, il s'agit de montrer que Jésus n'appartient pas aux Sicaires, puisque les Sicaires le trahissent, et que si quelques sicaires ont fait partie du mouvement chrétien, les chrétiens bien entendu n'ont rien à voir avec ces gens. D'ailleurs Jésus n'était-il pas fidèle à Rome, puisqu'il établissait que les impôts romains étaient parfaitement régulier en disant: «Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu.»

Judas le Sicaire qui trahit Jésus, autant que l'attribution de «originaire de Nazareth» à son surnom Nazaréen, participent à l'édulcoration de Jésus qui fut une personnage révolutionnaire dans sa vie, mais qui sera décrit bien après sa mort comme «fidèle à Rome».

Judas le Sicaire ou Iskariote n'a rien à voir avec un «secret messianique» comme le croit l'Évangile de Judas, mais simplement avec la volonté des chrétiens des années 130 de prendre leurs distances avec les révolutionnaires juifs et d'affirmer leur fidélité à Rome.


lundi 14 mars 2016

Le Canon Biblique

Le canon biblique est loin d'être uniforme, il a évolué, les écoles juives avaient des visions très différentes du canon biblique, les Églises chrétiennes aussi.
Je tiens compte des Samaritains, des Pharisiens, des Esséno-sadducéens et des falashas en ce qui concerne le Judaïsme et des différent courants chrétiens.
Pour certains points, en ce qui concerne l'Église Guèz je me suis aidé de wikipedia. Mais, les quelques articles que j'ai lu à propos de cette église, montre que leurs écrits canoniques sont bien plus vastes que ce que nous en savons: ils reconnaissent les Homélies Clémentines dans une traduction guèze très réécrite comme canonique. 
  • Texte massorétique: version officielle en hébreu vocalisé du rabbinat, nous donnons la prééminence à cette version et nous établissons les différences par rapport aux autres tendances.
  • Septante ou LXX: traduction grecque de la Bible faite à Alexandrie vers –250
  • Vulgate: traduction latine de la Bible faite par Saint Jérôme
  • Guèz: langue de l'Église éthiopienne/
  • Rappelons que le marcionites rejettent l'intégralité de l'Ancien Testament et estiment que Jésus n'est pas le messie du promis aux Juifs, mais le fils du dieu Bon. Marcion ne reconnaissait que sa version révisée de l'Évangile de Luc appelée Evangelion, et les neuf première épîtres de Paul qu'il faisait précéder de ses Antithèses dans lesquelles il établissait que le dieu de l'Ancien Testament était un démiurge soumis au Dieu Bon qui lui est le père de Jésus. Il rejetait l'Esprit Saint.


Pentateuque
Torah, Exode, Lévitique, Nombres, Deutéronomes
Tout le monde est d'accord si ce n'est avec des nuances:
  • le texte samaritain est obligatoirement en paléo-hébreu et est légèrement différent du Texte massorétique officiel.
  • les chrétiens orthodoxes utilisent la version dite des Septante qui diffère parfois du Texte massorétique.

Prophètes:
  • Josué, Juges, I et II Samuel, I et II Rois (ces livres sont classés en historiques chez les chrétiens)
  • Isaïe, Jérémie, Ezéchiel et Douze Prophètes (Osée, Joël, Amos, Obadyah, Yonas, Michée, Nahum, Habacuc, Tséfanyah, Haggay, Zakharyah, Malachie)

Notes
  • Les rabbins rejettent Daniel des Prophètes et le placent en Autres Écrits, à causes des réécritures postérieures à son époque. Concernant les esséniens (Qumran, Daniel était certainement accepté, mais les versions différaient beaucoup de celles qui nous sont parvenues). L'ensemble des chrétiens le considèrent comme prophétique.
  • Dans les versions orthodoxes I et II Samuel et I et II Rois sont appelés Ier, IIe, IIIe et IVe Livre des Règnes;
Autres Écrits entre (...), pour le classement chrétien.
  • Psaumes, Proverbes, Job, (en livres poétiques chez les chrétiens)
  • Cinq Rouleaux: Cantique des Cantiques (poétiques), Ruth (historiques), Lamentations (inclus dans le Livre de Jérémie chez les chrétiens), Ecclésiaste (poétique), Esther (historiques)
  • Daniel (en prophètes), Ezra (Esdras, en livres historiques, dite version B), Néhémie (historiques), Chroniques I et II (historiques)

La Bible hébraïque officielle s'arrête ici.
  • Signalons que les esséno-sadducéens refusaient le Livre d'Esther (qui contient de possibles allusions en faveur de la reine Salomé Alexandra qui est morte en –66) et utilisaient une version primitive de ce texte appelé Proto-Esther et dont des fragments furent retrouvés à Qumran. Ils refusaient aussi les chapitres VIII à X d'Esdras, n'acceptant que la partie relative à Zorobabel.
  • Il existe deux versions du Livre d'Esdras, une version dite A et conservée seulement en grec, elle fut rejetée par Saint Jérôme; elle est nettement plus longue. Les deux premiers chapitres contiennent une réécriture des deux derniers chapitres du IIe Livre des Chroniques, mais la réécriture contient des allusions aux pharisiens postérieurs à –100. La partie relative à Zorobabel est nettement plus longue. 
  • On a retrouvé un Proto-Daniel à Qumran, la prière de Nabonide. 
  • La version des Psaumes de Qumran comportait 155 Psaumes, la version grecque en compte parfois 151.

Les rabbins utilisaient aussi de nombreux Targum (traductions paraphrasées de la Bible en araméen) qui sont considérés comme quasi canoniques; les deux Talmud (Babylone et Jérusalem), ainsi que les midrashîm sont aussi considérés comme quasi canoniques; certains ajoutent le Zohar. PAR QUASI CANONIQUES NOUS VOULONS DIRE QUE LA VÉNÉRATION DONT ON ENTOURE CES TEXTES, LES PLACE UNE OCTAVE EN-DESSOUS DE LA BIBLE.

Canon esséno-sadducéens:
Leur canon nous est inconnu, néanmoins, les textes retrouvés en nombre à Qumran montre qu'ils reconnaissaient d'innombrables apocryphes comme authentiques:
Parmi les textes connus:
Hénoch (15 exemplaires), Livre des Géants (10 exemplaires), Livre des Jubilés (9 exemplaires) et Ben Sira
Les inédits, connus seulement par Qumran, et certainement canoniques pour eux:
Hodayoth (10 ex.), Règle de la Communauté (+ de 10), Écrit de Damas (9 exemplaires), Cantiques des Sabbats (10 ex.), la Règle de Guerre (10 ex.), Instructions (sagesse, 7 exemplaires), Visions d'Amram (6 exemplaires), Rouleau du Temple (3 exemplaires), Quelques questions sur la Torah (6 exemplaires). 
Notons qu'ils avaient en leur possession des formes primitives des Testaments des Douze Patriarches. Nombreux targum.
Canons chrétiens de l'Ancien Testament.
La totalité des livres de bibliques reconnus par les Rabbins sont reconnus par les chrétiens, dans des versions qui peuvent parfois différer légèrement.

  • Parmi les livres retrouvés à Qumran, seuls les éthiopiens reconnaissent le Livre d'Hénoch et le Livre des Jubilés.

Autres livres de l'AT:
  • l'Ecclésiastique ou Siracide (catholiques, orthodoxes, éthiopiens, pas les protestants).
  • le Livre de la Sagesse (catholiques, orthodoxes, éthiopiens, pas les protestants).
  • les deux premiers Livres des Macchabées (catholiques, orthodoxes, éthiopiens, pas les protestants).
  • le Livre de Tobit et le Livre de Judith. (catholiques, orthodoxes, éthiopiens, pas les protestants).
  • le Livre de Baruch (catholiques, orthodoxes, éthiopiens, pas les protestants).
  • IV Esdras (fut inclus dans la Vulgate).
  • Lettre de Jérémie (uniquement les catholiques)
  • Prière de Manassé (uniquement les orthodoxes, probablement les éthiopiens)
  • Psaumes de Salomon (uniquement les orthodoxes)
  • Suzanne (Daniel grec XIII) (catholiques, probablement les orthodoxes et les éthiopiens)
  • Bel et le dragon (Daniel grec XIV) (catholique, probablement les orthodoxes et les éthiopiens)


Canons chrétiens du Nouveau Testament
En apparence plus simple.
Rappelons que le Nouveau Testament existe en deux versions:
la recension alexandrine ou majoritaire que tout le monde suit
la recension occidentale qui est meilleure mais que personne ne suit (notons que cette recension accentue la rupture avec le judaïsme, mais que le texte est de meilleure qualité; au niveau des Actes, le texte est 10% plus long et corrige de nombreuses fautes)

Les livres du Nouveau Testament sont les suivants:
Évangiles
  • Évangile de Matthieu
  • Évangile de Marc
  • Évangile de Luc
  • Évangile de Jean
Livres historiques
  • Actes des Apôtres
Épîtres pauliennes
  • Épître aux Romains
  • Première épître aux Corinthiens
  • Deuxième épître aux Corinthiens
  • Épître aux Galates
  • Épître aux Éphésiens
  • Épître aux Philippiens
  • Épître aux Colossiens
  • Première épître aux Thessaloniciens
  • Deuxième épître aux Thessaloniciens
  • Première épître à Timothée
  • Deuxième épître à Timothée
  • Épître à Tite
  • Épître à Philémon
Épîtres catholiques
  • Épître aux Hébreux
  • Épître de Jacques
  • Première épître de Pierre
  • Deuxième épître de Pierre
  • Première épître de Jean
  • Deuxième épître de Jean
  • Troisième épître de Jean
  • Épître de Jude
Prophétiques
  • Apocalypse
Ces textes sont reconnus, à ma connaissance, par l'ensemble des chrétiens actuels et anciens. 
  • Certains estiment que l'Évangile de Luc et les Actes des Apôtres étaient un seul et même texte à l'origine.
  • Notons une exception: les Témoins de J. ne reconnaissent pas la péricope de la Femme adultère qui manque dans de nombreux manuscrits anciens. Sur les manuscrits antérieurs à 700, elle n'est présente que dans le Codex Bezæ; elle se trouve dans 20% des manuscrits entre 700 et 1100; notons qu'elle est parfois placée dans l'Évangile de Luc.
  • Luther considérait l'Épître de Jacques comme une épître de paille (un faux), il a tenté de la faire rejeter mais il ne fut pas suivi.
  • Certains chercheurs issus des recherches de la Source Q estiment qu'il faudrait intégrer l'Évangile de Thomas au canon des écritures
  • Les églises anciennes se servaient plus facilement du Diatessaron de Tatien, ce fut très longtemps le cas dans certaines églises syriaques.
  • Les gnostiques chrétiens ne reconnaissaient pas ces textes
  • Marcion reconnaissait seulement un abrégé de l'Évangile de Luc appelé Evangelion et les neuf premières épîtres de Paul.
  • Les ébionites, nazaréens etc ne reconnaissaient qu'une forme particulière de l'Évangile de Matthieu, (perdu quelques fragments intéressants);
  • On a retrouvé les fragments d'un évangile inconnu dit Évangile d'Egerton, antérieur aux canoniques, qui contient d'intéressantes variantes (quand on lit les Juifs, Egerton a les chefs du peuple; la guérison du lépreux est une purification d'impuretés rituelles, etc.);
  • On a retrouvé deux fragments d'une version longue de l'Évangile de Marc dont le premier correspond à une version différente de la résurrection de Lazare qui se trouve dans l'Évangile de Jean.
  • D'après les évangiles, quand Jésus est baptisé, une voix dit: Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui j’ai mis toute mon affection(Isaïe 42, 1). Mais les versions les plus anciennes attestées chez les Pères avant 180 ont une variante, contenue aussi dans de nombreux manuscrits anciens: Tu es mon fils, je t’ai engendré aujourd’hui. (Ps. 2, 7.)
  • On estime aujourd'hui que la Didachè ou Doctrine des Douze Apôtres était probablement une des sources principales pour former les chrétiens et est parallèle aux évangiles.
  • Signalons que dans quelques manuscrits anciens, on lit les Chrestos (bon) plutôt que christos (oint).
  • Signalons enfin les vetus latina qui sont des traductions latines anciennes du NT et qui donnent parfois des leçons très étranges. La vetus latina de Marc dit que ce sont les battants des portes du Temple qui tombèrent et non le voile qui se déchira... 
Les canons anciens du NT sont légèrement différents:
  • Le Canon de Muratori (vers 180) supprimait des textes et en ajoutait d'autres: il semble avoir supprimé l'Épître de Jacques et le IIIe de Jean. Par contre, il ajoutait l'Apocalypse de Pierre, le Livre de la Sagesse et le Pasteur d'Hermas.
Les codex permettent de déduire indirectement les canons qu'ils suivaient: 
  • le Sinaitacus (IVe siècle) ajoute l'Épître de Barnabé, le Pasteur d'Hermas;
  • le Vaticanus (IVe siècle) ajoute l'Épître aux Corinthiens de Clément de Rome; 
  • l'Alexandrinus (Ve siècle) ajoute les deux épîtres de Clément de Rome (Aux Corinthiens et IIe)
  • le Claremontanus (VIe siècle) témoigne que jusqu'au IIIe siècle l'Épître de Barnabé, le Pasteur d’Hermas, les Actes de Paul et l'Apocalypse de Pierre étaient canoniques pour la plupart des chrétiens. 

Théorie générale de la composition des évangiles

Concernant la composition des évangiles, il existe trois théories alternatives:
les évangiles ont été dictés par l'Esprit saint en grec
les évangiles ont été composés en hébreu et traduits en grecs, puis remodelés. Il existe deux théories principales, une simple, l'autre très complexe: 
  1. l'Évangile de Marc est l'évangile primitif, outre cet évangile, les premiers chrétiens possédaient un recueil de paroles de Jésus, comparable à l'Évangile de Thomas, que l'on appelle la Source Q. Matthieu et Luc ont écrit leurs évangiles sur base de celui de Marc et de la source Q qu'ils utilisèrent différemment et dans des perspectives différentes. L'Évangile de Jean est complexe/
  2. la théorie de Boismard que je vais tenter de résumer: Elle part de textes primitifs, qui servent à former des documents intermérdiaires, qui sont corrigés sur des sources pour formes les évangiles finis, et qui sont encore relus pour former les rédaction définitive
Textes primitifs:
  • Document A (Matthieu/pierre? primitif): il s'agit d'une sorte de proto-évangile de Matthieu, à l'usage des judéo-chrétiens (la résurrection y tient peu de place);
  • Document B (Marc primitif): il s'agit de la réécriture du Document A mais à l'usage des pagano-chrétiens (la résurrection y tient peu de place);
  • Document C: il s'agit d'un texte différent des précédents, mais aussi à l'usage des pagano-chrétiens, rédigé par un samaritain et utilisé par l'Évangile de Jean (la résurrection y tient une place très importanrte)
  • Source Q: il s'agit des paroles de Jésus. 
  • Logia johanniques: il s'agit de la source des discours de Jésus dans l'Évangile de Jean.

Documents intermédiaires: vont être combinés pour former les évangiles provisoires:
  • Matthieu intermédiaire: A+Q
  • Marc intermédiaire: B+ un peu de C et d'A
  • Luc intermédiaire: Matthieu intermédiaire+Q+ un peu de B et un peu de C.
  • Jean intermédiaire: C+logia johannique
Rédaction finale provisoire:
  • Matthieu fini: Matthieu intermédiaire + Marc intermédiaire
  • Marc fini: Marc intermédiaire vérifié sur Matthieu et Luc intermédiaire
  • Luc fini: Luc intermédiaire + Marc intermédiaire
  • Jean fini: recomposition de Jean intermédiaire en stique+Luc intermédiaire
Rédaction définitive:
  • Matthieu définitif: Matthieu fini+enfance
  • Marc définitif: Marc fini+Matthieu et Luc fini
  • Luc définitif: Luc fini+enfance
  • Jean définitif: réorganisation et corrections de Jean fini.








samedi 12 mars 2016

Quelques réminiscences bibliques et intertestamentaires du Notre Père

La littérature intertestamentaire est le nom qu'on donne aux écrits postérieurs à –400 et antérieurs à 100, généralement mais pas systématiquement de nature apocalyptique. Cette littérature fut jugée apocryphe au IIe siècle par les Rabbins de Yavneh et au IVe siècle par l'Église.
De nombreux traités ont continué d'être discutés, par exemple Saadyah Gaon se demandait au Xe siècle pourquoi le Siracide avait été rejeté du canon biblique, alors qu'il était admis chez les chrétiens.
D'innombrables questions sont toujours ouvertes, par exemple, Jésus ben Sira, auteur de l'Ecclésiastique (Siracide), qui vivait quand Siméon le Juste était grand-prêtre (mort en –195), mentionne toutes les figures majeures du judaïsme, or trois noms sont omis, Esdras, Daniel et Esther, alors que Zorobabel, Josué ben Yotsedeq et Néhémie sont mentionnés, de telles questions n'ont toujours pas reçu de réponses satisfaisantes. (Rappelons que de très nombreux rabbins voulaient exclure Esther, et qu'on a retrouvé à Qumran, des fragments d'un proto-Esther, qui semble avoir été très différent à celui que l'on lit).
Certains veulent aussi déconsidérer des textes comme le Livre d'Hénoch quoi qu'il soit cité formellement dans l'Épître de Jude, et qu'on y trouve d'innombrables allusions dans le NT.

Le Notre Père existe en quatre versions différentes: celle de Luc, celles de Matthieu (certains manuscrits ajoutent une finale), et celle du Didachè (texte datant de 150):
Notre Père qui êtes aux cieux,
Que Votre Nom soit sanctifié,
Que Votre règne arrive,
Que Votre volonté soit faite, tant dans les cieux que sur la terre.
Donnez-nous dès à présent la manne qui nous est promise.
Remettez-nous nos fautes, comme nous-même avons remis à nos débiteurs.
Et faites que nous n’entrions pas dans l’épreuve,
Mais délivrez-nous du malin.
[Car la Royauté, la Puissance et la Gloire sont à Vous dans tous les aiôns. Amen.]
Nous suivons la version longue de Matthieu.
L'ensemble du texte n'est pas compliqué à traduire, à l'exception du verser du pain. 
τὸν ἄρτον ἡμῶν τὸν ἐπιούσιον δὸς ἡμῖν σήμερον·
ton arton èmôn ton èpiousion dos èmin sèmèron.
En fait, le grec a arton qui signifie pain, mais qui, dans le grec de la Septante (traduction grecque de la Bible), signifie aussi «manne». 
Saint Jérôme était perplexe sur le mot èpiousion, se demandant quel sens il fallait lui attribuer, il disait aussi que dans l'Évangile des Nazaréens, il y avait «futur», de là notre traduction de manne promise. La manne étant la nourriture que les Justes auront après leur mort, la demande n'est pas d'avoir du pain demain, mais bien de goûter des aujourd'hui de la nourriture des Justes.


Le Notre Père comparé

Notre Père qui êtes aux cieux.
Siracide 51, 10: J’ai exalté YHVH : Tu es mon père, car tu es le héros de mon salut.
Psaume 89, 27: Tu es mon père, mon Dieu et le rocher de mon salut !
Que Votre Nom soit sanctifié
I Hénoch 61, 12: Tout esprit de lumière, capable de bénir, glorifier, exalter et sanctifier Ton Nom béni, et toute chair, de ses forces accrues, glorifieront et béniront Ton Nom éternellement.
Qadish 1–2: Magnifié et sanctifié soit le Grand Nom dans le monde qu’il a créé selon sa volonté.
Que Votre règne arrive.
Qadish 3. Et puisse-t-il établir son royaume.
Que Votre volonté soit faite, tant dans les cieux que sur la terre.
Ier Livre des Macchabées 3, 60: Selon ce que sera Sa volonté au ciel, ainsi fera-t-il
Siracide 18, 3: Il gouverne le monde d’un geste de sa main, tout obéit à Sa volonté, car Il est roi de toutes choses par sa force.
Qadish 16–18, 28 et 34–36: Que soient reçues les prières et supplications de toute la Maison d’Israël devant leur Père qui est au ciel, et dites Amen. Qu’il y ait une grande paix venant du Ciel, Celui qui établit la paix dans ses hauteurs,  l’établisse [dans sa miséricorde] parmi nous.
Ma°asè Markabah: Ton nom est fort dans les cieux et sur la terre; Grand en puissance dans les cieux et sur la terre; Glorifié dans les cieux et sur la terre; Miséricordieux dans les cieux et sur la terre; Saint dans les cieux et saint sur la terre.
Théodotion (Daniel 4, 35): Et tous les habitants de la terre sont comptés pour rien, et selon Sa volonté, il agit avec l’armée du ciel et avec ceux dont l’habitation est la terre.
Donnez-nous dès à présent la manne qui nous est promise. 
Évangile des Nazaréens: Donnez-nous aujourd’hui notre pain du lendemain.
Remettez-nous nos fautes, comme nous-même avons remis à nos débiteurs.
Siracide 28, 2: Pardonne au prochain son injustice et alors à ta prière tes péchés serons remis. 
Et faites que nous n’entrions pas dans l’épreuve.
Talmud Babylone, Berakôth 60b: Ne me fais pas entrer sous le pouvoir du péché, ni sous le pouvoir de la faute, ni sous le pouvoir de la tentation, ni sous le pouvoir du mépris.
mais délivrez-nous du malin.
Testament des Douze Patriarches, Testament de Lévy 2, 3: Qu’aucun Satan n’ait le pouvoir de m’égarer loin de ta voie.
Car la Royauté, la Puissance et la Gloire sont à Vous dans [tous] les aiôns. Amen.
I Chroniques 29, 11: Loué sois-tu, Éternel, Dieu d’Israël, notre Père; d’éternité en éternité! À toi, Seigneur, appartiennent la grandeur, la puissance, la gloire, l’autorité et la majesté  car tout, au ciel et sur la terre, [est tien]. À toi, Éternel, la royauté et la domination suprême sur toutes choses. 
À titre documentaire
Qadish complet
Magnifié et sanctifié soit le Grand Nom dans le monde qu’il a créé selon sa volonté, et puisse-t-il établir son royaume. Puisse sa salvation fleurir et qu’il rapproche son oint de votre vivant et de vos jours, et [des jours] de toute la Maison d’Israël, promptement et dans un temps proche, et dites Amen
Puisse son grand nom être béni à jamais et dans tous les temps des mondes. Béni et loué et glorifié et exalté, et élevé et vénéré et élevé et loué soit le nom du Saint, béni soit-il au-dessus (et au-dessus) de toutes les bénédictions et cantiques, et louanges et consolations qui sont dites dans le monde, et dites Amen.
Que soient reçues les prières et supplications de toute la Maison d’Israël devant leur Père qui est au ciel, et dites Amen.
Qu’il y ait une grande paix venant du Ciel, [ainsi qu’]une [bonne] vie et la satiété, et la salvation, et le réconfort, et la sauvegarde, et la guérison, et la rédemption et le pardon et l’expiation, et le soulagement et la délivrance pour nous et pour tout son peuple Israël, et dites Amen.
Celui qui établit la paix dans ses hauteurs,  l’établisse [dans sa miséricorde] parmi nous, et sur tout [son peuple] Israël, et dites Amen.
Prière de David, I Chr. 29, 10b–13
Loué sois-tu, Éternel, Dieu d’Israël, notre Père ; d’éternité en éternité ! À toi, Seigneur, appartiennent la grandeur, la puissance, la gloire, l’autorité et la majesté ; car tout, au ciel et sur la terre, [est tien]. À toi, Éternel, la royauté et la domination suprême sur toutes choses. De toi émanent richesses et honneurs : tu es le souverain maître de tout. C’est en ta main que se trouvent force et puissance, c’est ta main qui peut tout grandir et tout affermir. Aussi, à cette heure, te rendons-nous grâces et célébrons-nous ton nom glorieux.





jeudi 10 mars 2016

Qui est annoncé dans le chapitre 53 d'Isaïe?

Ce chapitre que nous donnons en lecture ci-dessous semble avoir annoncé Jésus, nous ne le pensons pas, mais que signifie-t-il alors? Il s'agit du Temple. [Les commentaires sont en italique et entre crochets]
1 Qui a ajouté foi à l'annonce qui nous a été faite? [savoir que le Temple sera reconstruit.] Et à qui s'est révélé le bras de Dieu? 2 Il poussait devant lui [les hommes le construisent petit à petit], pareil à un faible rejeton, à une racine plantée dans un sol brûlé [le premier temple a été brûlé]. Il n'avait ni beauté, ni éclat pour attirer nos regards, ni grâce pour nous le rendre aimable. [Flavius Josèphe témoigne que les traditions rapportaient que le IIe Temple était très inférieur au premier] 3 Méprisé, repoussé des hommes, homme de douleurs, expert en maladies, il était comme un objet dont on détourne le visage, une chose vile dont nous ne tenions nul compte. 4 Et pourtant ce sont nos maladies dont il était chargé, nos souffrances qu'il portait, alors que nous, nous le prenions pour un malheureux atteint, frappé par Dieu, humilié. 5 Et c'est pour nos péchés qu'il a été meurtri, par nos iniquités qu'il a été écrasé [le temple fut détruit parce que plus personne n'écoutait les prophètes]; le châtiment, gage de notre salut, pesait sur lui, et c'est sa blessure qui nous a valu la guérison [les Juifs sont redevenus pieux pour que le Temple soit rebâti]. 6 Nous étions tous comme des brebis errantes, chacun se dirigeant de son côté, et Dieu a fait retomber sur lui notre crime à tous [les Juifs étaient divisés]. 7 Maltraité, injurié, il n'ouvrait pas la bouche; pareil à l'agneau qu'on mène à la boucherie, à la brebis silencieuse devant ceux qui la tondent, il n'ouvrait pas la bouche. 8 Faute de protection et de justice, il a été enlevé [les troupes de Sedecias ont fui Jérusalem]. Qui pourrait décrire sa destinée? Car il s'est vu retrancher du pays des vivants, les coups qui le frappaient avaient pour cause les péchés des peuples [le Temple fut détruit à cause des péchés du peuple]. 9 On a mis sa sépulture avec celle des impies, son tombeau avec celui des [mauvais] riches, quoiqu'il n'eût fait aucun mal et qu'il n'y eût jamais de fraude dans sa bouche. [difficilement compréhensible, par manque d'information, peut-être que les pierres du temples servirent de sépultures, peut-être autre chose.] 10 Mais Dieu a résolu de le briser, de l'accabler de maladies, voulant que, s'il s'offrait lui-même comme sacrifice expiatoire [le Temple est lié un ange, il a accepté sa destruction pour que Dieu préserve le peuple Juif], il vît une postérité destinée à vivre de longs jours [annonce de la reconstruction du Temple], et que l'œuvre de l'Eternel prospérât dans sa main [= que les sacrifices reprennent]. 11 Délivré de l'affliction de son âme [l'ange du Temple refuse que les impies l'occupent], il jouira à satiété du bonheur; par sa sagesse le juste, mon serviteur, fera aimer la justice à un grand nombre et prendra la charge de leurs iniquités [par les sacrifices d'expiation et plus particulièrement par Yôm Kippour pendant lequel les péchés sont effacés]. 12 C'est pourquoi je lui donnerai son lot parmi les grands; avec les puissants il partagera le butin, parce qu'il s'est livré lui-même à la mort et s'est laissé confondre avec les malfaiteurs [ce sont les hommes qui l'occupaient qui ont commis les péchés], lui, qui n'a fait que porter le péché d'un grand nombre et qui a intercédé en faveur des coupables.
Le sens ésotérique de ce texte pourrait être le suivant: Un faible rejeton, c'est l'Esprit de Dieu que Dieu a insufflé à l'homme. Il n'a nulle beauté, ni éclat pour attirer nos regards, la sagesse parait obscure au commencement, alors que le monde semble lumineux au commencement; mais à la fin la sagesse est comme une douce lumière qui éclaire l'homme, alors que les fastes du monde finissent dans la tombe. Quand la sagesse s'éveille, c'est elle qui se charge de nos péchés, et de porter nos maladies.
Dans le judaïsme, certains hommes appelé justes (tzaddiq) prennent parfois les péchés des autres: un enfant malade à l'article de la mort guérit alors que le juste tombe malade... 

Jésus n'est pas l'objet de cette prophétie, mais bien la reconstruction du Temple, du IIe Temple pour être précis, avant que ne soit construit le IIIe: puisse ce moment béni arriver bientôt.

mercredi 9 mars 2016

La datation du Discours eschatologique et quand viendra le Fils de l'Homme: réponse à David Vincent

En parcourant le site de David Vincent, chrétien évangélique, je suis tombé sur deux articles:

Avant de discuter ces deux articles, je tiens à préciser que je ne crois pas à l'ancienneté des évangiles tels qu'ils nous sont parvenus, les versions actuelles datent des années 135–145. Cela ne signifie pas que les évangiles ont été composés ex nihilo en 135–145, mais que ces textes ont été copiés, écrits, réécrits, pendant une centaine d'année. Certains passages sont donc anciens et d'autres non. Prenons la Parabole des ouvriers de la onzième heure, ce texte fait aussi allusion à des événements rapportés par Flavius Josèphe et qui se sont déroulés en 63. En ces jours-là, la Judée traversait une très dure crise économique et afin de calmer les revendications sociales et, par incidence, les risques de révoltes contre Rome, Hérode Agrippa II payait les ouvriers par journée sans tenir compte du nombre d’heures qu’ils avaient réellement presté. Ceci est rapporté par Flavius Josèphe:
Il [Hérode Agrippa II] ne voulait pas épargner l’argent par crainte des Romains, mais, se préoccupant des ouvriers, voulait dépenser pour eux le trésor: en effet, si un ouvrier avait travaillé, ne fût-ce qu’une heure dans sa journée, il était immédiatement payé pour elle. [Antiquités Juives, livre XX, 219–220.]
Difficile d’imaginer que la parabole ait été rédigée avant l’événement auquel elle fait allusion; elle doit même être très postérieure, et ne peut avoir été dite par Jésus.
Bien d'autres anachronismes émaillent le NT.

Après avoir mentionné plusieurs passages qui dit que la fin est proche, David Vincent conclut ainsi son premier, celle-ci est sans appel:
  • Soit la « fin des temps » correspond à la fin du monde, comme beaucoup de nos contemporains le pensent, et dans ce cas là les auteurs du Nouveau Testament se sont trompés.
  • Soit la « fin des temps » ne correspond pas à la fin du monde et cette fin des temps s’est bien accomplie comme ils l’avaient prédite.
C’est cette deuxième hypothèse que je développerai dans le prochain article, en expliquant que la fin des temps correspond en réalité à la fin de l’Ancienne Alliance.
Dans un premier temps, je m'étais contenté d'estimer qu'il s'agissait d'une fausse prophétie, tout en me demandant, pourquoi, ils ne l'ont pas supprimée ou révisée
David Vincent cite Matthieu dans son article:
De même, quand vous verrez toutes ces choses, sachez que le Fils de l’homme est proche, à la porte. Je vous le dis en vérité, cette génération ne passera point, que tout cela n’arrive. [Matthieu 24, 33–34.]
Ce passage est identique chez Marc, et légèrement différent chez Luc qui a royaume de Dieu au lieu de Fils de l'Homme.
Il cite encore Matthieu qui dit
Quand on vous persécutera dans une ville, fuyez dans une autre. Je vous le dis en vérité, vous n’aurez pas achevé de parcourir les villes d’Israël que le Fils de l’homme sera venu. [Matthieu 10, 23.]
Ce passage n'a pas de parallèles en Marc ou en Luc.
Il dit qu'une génération fait quarante ans (discutable), et que cette date et les événements que Jésus a précédemment annoncé dans l'ensemble du Discours eschatologiques correspondent à la destruction du Temple.
Dans l'article suivant il dit cite Matthieu:
Comme Jésus s’en allait, au sortir du temple, ses disciples s’approchèrent pour lui en faire remarquer les constructions.  Mais il leur dit: Voyez-vous tout cela? Je vous le dis en vérité, il ne restera pas ici pierre sur pierre qui ne soit renversée. Il s’assit sur la montagne des oliviers. Et les disciples vinrent en particulier lui faire cette question: Dis-nous, quand cela arrivera-t-il, et quel sera le signe de ton avènement et de la fin du monde? Matthieu 24, 1–3
Il dit ensuite
Il est intéressant de noter que dans leur question, les disciples lient trois évènements:
  • la destruction du Temple (que vient d’annoncer Jésus)
  • l’avènement de Christ
  • la fin du monde
Cela n’est pas un hasard et traduit en réalité leur vision de la fin des temps, que l’on retrouve dans la question qu’ils posent à Jésus juste après sa résurrection: Alors les apôtres réunis lui demandèrent: Seigneur, est-ce en ce temps que tu rétabliras le royaume d’Israël?  [Actes des apôtres 1, 6.] Dans la perspective judéenne, la fin des temps ne représente pas la destruction du monde, mais le rétablissement du Royaume d’Israël.
Dans une question, il répond enfin:
En fait contrairement à ce qu'attendaient les disciples, le Royaume d'Israël n'est pas un royaume terrestre. La destruction du temple physique permet de laisser toute la place au temple spirituel.
Nous nous insurgeons contre cette dernière interprétation: le Royaume d'Israël est un royaume terrestre et céleste. Quant au Temple, c'est vrai qu'il est à un temple terrestre et un temple spirituel; mais on peut comprendre ce dernier de deux manières:
  • soit en suivant les épître pauliennes qui estiment que le temple spirituel, c'est l'homme lui-même (en cela, il se rapproche plutôt de l'hermétisme qui s'intéresse à l'expérience spirituelle personnelle, plutôt qu'aux cultes terrestre et céleste);
  • soit en suivant l'Apocalypse, les textes de Qumran, Philon, et ce que l'on appellera la «littérature des Palais», qui estiment que le Temple est réel, mais qu'il existe dans les mondes angéliques. 

Venons-en à notre critique
Plusieurs passages du Discours eschatologique nous semblent se rapporter non pas aux événements qui se sont produits pendant la première guerre judéo-romaine de 66–70, mais aux événements qui se sont déroulés pendant la seconde guerre judéo-romaine de 132–135.
Il est admis aujourd'hui que le Temple ne fut probablement pas complètement détruit à l'époque de Titus et que, même à ciel ouvert, un certain culte a continué (Nodet, etc. Flavius Josèphe dit en ruine, ce qui n'implique pas une destruction complète, et incendié, ce qui compte tenu de sa structure en pierre ne doit pas être énorme; en 7, 1, FJ dit bien que Titus ordonna de détruire le Temple, mais on ignore le degré d'application de cet ordre.) Et même si cela avait été le cas, une tente suffit pour faire fonctionner le Temple, c'est l'endroit qui importe.

En Matthieu 10, 17–18:
Mettez-vous en garde contre les hommes; car ils vous livreront aux tribunaux, et ils vous battront de verges dans leurs synagogues; vous serez menés, à cause de moi, devant des gouverneurs et devant des rois, pour servir de témoignage à eux et aux païens.
Nous sommes pas au courant d'une persécution des chrétiens pendant la première guerre judéo-romaine qui semblent encore unis aux Juifs. Par contre, la persécution des chrétiens par Bar Kokheba est connue, et elle se fit, selon toute vraisemblance, par l'intermédiaire des synagogues. Les chrétiens n'étaient pas persécutés parce qu'ils étaient chrétiens, mais parce qu'ils refusaient de servir dans l'armée de Bar Kokheba contre les Romains. Quand les Romains venaient, ils les arrêtaient et les tuaient, parce qu'ils étaient des amis des Juifs. Les chrétiens étaient écartelés entre deux feux, entre le judaïsme de leurs croyances et la romanité de leurs origines.

Dans Matthieu 24, 4–5, nous lisons:
Jésus leur répondit: «Prenez garde que personne ne vous séduise. Car plusieurs viendront sous mon nom, disant: “C’est moi qui suis le Christ.” Et ils séduiront beaucoup de gens.» 
Or ce passage fait clairement allusion à quelqu'un qui s'est proclamé Messie, il n'y en a qu'un c'est Simon Bar Kokheba, le chef de la révolte juive de 132–135.

En Matthieu 24, 15, nous lisons:
C’est pourquoi, lorsque vous verrez l’abomination de la désolation, dont a parlé le prophète Daniel, établie en lieu saint.
Ensuite, nous lisons des mentions qu'il faut fuir, etc.
Ce passage ne sait pas se rapporter à la première guerre judéo-romaine, parce qu'elle finit avec la destruction du Temple, la Judée a été ravagée en 66–68. Il ne peut alors se rapporter qu'à la seconde guerre judéo-romaine qui commencera après que l'empereur Hadrien eut décidé de construire un Temple de Zeus sur l'emplacement de l'ancien Temple (ce qui correspond à l'abomination de la désolation).
C'EST CETTE DÉCISION DE L'EMPEREUR HADRIEN QUI POUSSE SHIMEON BAR KOKHEBA À ENTRER EN REBELLION et qui va entraîner la persécution des chrétiens et la terrible répression des légions romaines.

En Matthieu 24, 21, nous lisons:
Car alors, la détresse sera si grande qu’il n’y en a point eu de pareille depuis le commencement du monde jusqu’à présent, et qu’il n’y en aura jamais. 
La seconde fut pire que la première et se solde par un quasi génocide des Juifs, femmes, enfants, bébés les légions d'Hadrien tuaient tout le monde. (Les Juifs passent de 4–5 millions en 50 à moins de 500000 en 150, leur population fut divisée par 10.

En Matthieu 24, 29, nous lisons:
Aussitôt après ces jours de détresse, le soleil s’obscurcira, la lune ne donnera plus sa lumière, les étoiles tomberont du ciel, les puissances des cieux seront ébranlées.
Rappelons-nous que bar Kokhebâ signifie «fils de l'Étoile». La mort de Bar Kokheba sonnera la fin de la révolte qui s'achève dans un massacre à Bethar.

Ce passage est suivi par Matthieu 24, 30–31 qui dit:
Alors le signe du Fils de l’homme paraîtra dans le ciel, toutes les tribus de la terre se lamenteront, et elles verront le Fils de l’homme venant sur les nuées du ciel avec puissance et une grande gloire. Il enverra ses anges avec la trompette retentissante, et ils rassembleront ses élus des quatre vents, depuis une extrémité des cieux jusqu’à l’autre.
Ce dernier passage devient extrêmement problématique, parce qu'après la chute de Bethar, comme après la destruction du Temple, le fils de l'Homme n'est pas apparu.

Le passage que David Vincent a cité:
Quand on vous persécutera dans une ville, fuyez dans une autre. Je vous le dis en vérité, vous n’aurez pas achevé de parcourir les villes d’Israël que le Fils de l’homme sera venu. [Matthieu 10, 23.]
Si nous suivons la logique précédente, ce passage ne peut plus alors que se rapporter à l'empereur Hadrien, il s'agirait d'une vile flatterie de courtisans. Mais nous ne le pensons pas, parce que tout simplement: il faut reclassifier les textes de manières cohérentes: les dépoussiérer des ajouts relatifs aux deux guerres judéo-romaines. Il faut encore les confronter à Isaïe, Daniel, Jérémie, les Apocalypses anciennes, et nous faisons émerger un texte cohérent.
Les originaux, après la description des événements, devaient contenir quelque chose comme ceci:
...Alors, le Fils de l’Homme traversera les nuées
Et viendra du ciel en puissance et en gloire.
Nul n’en sait l’heure, ni les anges des cieux,
Ni le Fils de l’Homme lui-même, mais le Père seul.
Quand les branches du figuier deviennent tendre
Et que poussent ses feuilles, vous savez que l’été est proche
Jérusalem sera foulée aux pieds par les nations
Jusqu’à ce que les jours des nations soient révolus
Et quand ceux qui furent dispersés aux quatre vents
Seront ressemblés des extrémités de la terre.
C’est la génération qui verra ces choses arriver
Alors le jour du Fils de l’Homme sera proche
Les originaux contenaient bien une explication de la fin des temps, mais quand les chrétiens publièrent leurs évangiles dans les années 140, ils croyaient en l'imminence de la parousie parce que justement, la seconde guerre judéo-romaine leur semblait correspondre à cela. Alors que dans les originaux, Jésus faisait allusion à des événements très lointains.
Dans la prophétie originale, Jérusalem devient indépendantes, et quand s'y rassembleront les Juifs, alors la venue du Fils de l'Homme sera imminente. Nous sommes dans du judaïsme traditionnel.


SUR LA RUPTURE DES JUIFS ET DES CHRÉTIENS
On comprend mieux les positions de certains rabbins, donc celle de Rabban Gamaliel II (qui meurt en 140), frappés eux aussi par Bar Kokhebâ, de rompre avec les chrétiens qui manquent de solidarité avec le peuple juif; les chrétiens de l'époque sont donc encore des judaïsants, ils n'ont pas aidé leurs frères juifs lors de la révolte des communautés (115–118) et ne les ont pas plus aidé lors de la seconde guerre judéo-romaine (132–135). Rappelons que Rabban Gamaliel II est l'auteur de la sentence suivante, qui sert peut-être de justification à son rejet des chrétiens, quand il dit:
Quiconque a pitié des autres, le Ciel aura pitié de lui; quiconque n'a pas de pitié pour les autres, le Ciel n'aura pas de pitié pour lui.
La décision de Rabban Gamaliel II est catastrophique: tant qu'ils étaient considérés comme judaïsants, ils n'avaient pas de problèmes avec Rome (le Judaïsme était reconnu par l'État romain), mais cette rupture est une terrible; parce que justement, ils ne peuvent plus prétendre à l'appartenance à une religion traditionnelle, ils doivent donc suivre le culte impérial ou subir la mort. Par exemple, dans l'Apologie d'Aristide qui date de 125–135 et qui est dédicacée à l'empereur Hadrien, l'auteur présente les chrétiens comme un peuple comparable aux Chaldéens, aux Égyptiens, aux Grecs, aux Romains et aux Juifs.

Les évangiles ont donc été rédigés afin de gagner les faveurs d'Hadrien: renonciation à la circoncision (qu'Hadrien a interdite), abandon du sabbat, abandon de la Torah ET DONC RECONNAISSANCE PLEINE ET ENTIÈRE DE LA VALIDITÉ DU DROIT ROMAIN, leur volonté de charger les Juifs de la mort de Jésus sont donc autant de textes composés dans l'espoir d'obtenir des faveurs d'Hadrien. Comment leur demande fut-elle accueillie par l'empereur Hadrien, certainement très mal; en effet, l'Apologie d'Aristide contient des attaques frontales contre l'homosexualité, les épîtres de Paul aussi, or Hadrien était un pédophile notoire (Antinous devint son amant alors qu'il n'avait que dix ans); d'Hadrien auquel nul vice ne semblait étranger: pervers, génocidaire, nous ne pouvons dire qu'une chose, la même que dit le Talmud à son propos: Que ses os soient broyés!

Chaque jour qui passe, je suis plus convaincu que les textes chrétiens tels qui nous sont parvenus, avaient comme but de trouver un compromis avec l'Empire romain. Les croyances des chrétiens anciens ne peuvent alors se découvrir qu'entre les lignes de ces textes et ce que l'on y trouve se résume avec quatre mots: Essénisme, Philon (doctrine du Logos), hermétisme (on peut comparer de nombreux passages des épîtres de paul ou de l'évangile de Jean aux textes hermétiques), Hanokh (doctrine du Fils de l'Homme).

LES ÉVANGILES SONT UN MIDRASH, ILS DISENT NON LA CHOSE (PAROLE), MAIS À QUOI LA CHOSE RESSEMBLE.