mercredi 30 décembre 2015

Jésus était-il palestinien?

Lorsque j'entendis la première fois cette affirmation, j'ai cru que j'étais monté sans m'en rendre compte dans une machine à avancer dans le temps, et que je m'était retrouvé projeté le 1er avril 2016. Pincez-moi je rêve. 
En politique, la mauvaise foi est un principe, et dans ce cas-ci elle est patente. Normalement, le bon sens devrait suffire à réfuter cette assertion; mais dans la mesure où elle se répand, mieux vaut prendre sa plume, enfin son clavier, et la réfuter.
La Palestine est un terme qui sert à désigner, en Grec, le territoire des Philistins, qui s'étendait à l'époque des Juges et du roi David sur la bande de Gaza et remontait jusqu'à Ascalon et à Ashdod. Ils disparurent en tant que pouvoir politique indépendant pendant la période monarchique; il est néanmoins probable que certains furent assimilés aux Judéens et les autres restèrent dans leurs cités traditionnelles en tant que gèrîm ou «résidents-étrangers» [Nous ne parlons pas du nom des convertis dans le judaïsme rabbinique qui sont aussi appelés gèrîm.]
Les territoires côtiers qu'ils occupèrent sont appelés Palestine à la suite de la traduction grecque des Septante. Et c'est par rapport à ces seuls territoires que Philon parle par exemple de Palestine.

Les Juifs obtinrent leur indépendance en –152, après quinze ans de guerre contre les Séleucides. La Judée se limite alors à Jérusalem, mais les grands-prêtres asmonéens vont développer leur petit État, et l'étendre de l'idumée à Damas, en passant par la Pérée. En –63, Aristobule appelle Pompée à la rescousse, dans son conflit avec son frère Hyrcan II, allié à Antipater (le père d'Hérode) et à Aretas III de Nabatée, roi de Petra; Pompée ne se fera pas prier, mais reprendra très vite ses engagements et s'alliera plutôt à Hyrcan II; ensuite il capturera Aristobule qu'il fera déporter à Rome. Après 25 ans d'anarchie en Judée, Rome soutient Hérode et l'autorise à relever le titre de roi de Judée. Hérode meurt en –4 en ayant écrit et réécrit son testament; c'est finalement Auguste qui tranchera, à sa sœur revient Ascalon; à Archélaos revient la Judée, la Samarie et l'Idumée; à Antipas revient la Pérée et la Galilée; quant à Philippe, il reçoit l'Iturée, la Trachonitide, la Gaulanitide, etc. Ses autres enfants ne reçoivent rien. Le tétrarque Archélaos fait de nombreuses erreurs et Auguste le rappelle à Rome; Auguste transforme alors la Judée, la Samarie et l'Idumée en la province romaine de Judée.
Après une brève semi-indépendance sous le règne d'Hérode-Antipas Ier, la Judée redevient Romaine. Pendant la révolte juive de 66–70, la Judée sera ravagée par les légions romaines, Jérusalem est rasée (risque d'infection), seules subsistent quelques parties du Temple (les fondements). Les Juifs sont bannis de la Judée, réduits en esclavage et dispersés dans l'Empire romain. La Judée passe de deux millions d'habitants à entre 200 ou 300000 personnes.

Pendant la révolte des Communautés en 115–118, les communautés juives de l'Empire romain sont laminées et les Juifs renvoyés en Judée où ils se réinstallent (ne restaient dans l'Empire romain, que les très petites communautés, les métis judéo-grecs et les convertis). Hadrien est d'abord favorable aux Juifs, puisqu'il les autorise à rebâtir le Temple, mais il va finalement changer d'avis: il abroge cette décision et interdira même la circoncision assimilée à la castration.

Les Judéens se révoltent à nouveau sous la direction de Shime°on bar Kokheba, ils mènent une guerre très dure aux Romains mais finissent vaincus à la Forteresse de Betar. Les Juifs sont expulsés de Judée. Il semble que bar Kokheba avait commencé à ériger le IIIe Temple, mais il fut détruit ou récupéré par les Romains pour en faire un Temple de Zeus. Hadrien, après avoir procédé à une guerre totale, en exterminant la totalité des Judéens y compris les femmes et les enfants, décide de déjudaïser la Judée. La Judée deviendra donc la Palestine en hommage aux Philistins (Hadrien considérant que son œuvre est la revanche des Philistins) et Jérusalem deviendra Ælia Capitolina (l'empereur Hadrien portait comme nom de naissance Publius Ælius Hadrianus).

La prise du pouvoir par les chrétiens va rendre à Jérusalem son nom authentique, mais ils ne permirent pas à la Judée de revenir à son nom original et resta pendant de nombreux siècles la Palestine.

Les historiens utilisent parfois des anachronismes: par exemple, Joseph Derenbourg a écrit une Histoire de la Palestine depuis Cyrus jusqu'à Adrien (publiée en 1867), tout simplement parce que les territoires dont il est question dans son livre s'appelaient de son temps Palestine. 

Le nom Palestine identifiait un territoire, et ses habitants n'étaient pourtant pas des palestiniens; en réalité, les habitants des territoires palestiniens se définissaient par leur religion. Ils ne disaient pas: «Je suis palestinien», mais ils disaient: «Je suis Juif, musulman, chrétien, Druze, alaouite», et quand des européens s'y installaient, ils disaient: «Je suis anglais, belge, français, allemand, américain». La Palestine existait en tant que nom d'un territoire mais ses habitants se définissaient autrement que par l'appartenance à ce territoire. 

Si aujourd'hui quelqu'un affirmait que Jésus était israélien, tout le monde éclaterait de rire, l'État d'Israël n'existait pas à l'époque de Jésus, mais le royaume de Judée existait bien un peu avant et un peu après lui. Jésus était donc un juif judéen ou galiléen suivant qu'on le fait naître à Bethléem comme le veulent les évangiles, ou Nazareth, même s'il serait plus logique de le faire naître à Jérusalem. On peut aussi le qualifier de Galiléen en tant que Juif vivant en Galilée. 

Donc Jésus n'est pas palestinien, c'était un Juif judéen ou galiléen. Il n'est pas plus musulman, puisque l'Islam n'existait à l'époque de Jésus et qu'il ne peut avoir appartenu à une religion qu'il n'a jamais pratiqué. Il semble donc qu'il n'y a pas que les Mormons qui pratiquent les conversions postmortem.

Non Jésus n'étais ni palestinien, ni musulman; pas plus que Moïse ou David n'étaient palestiniens ou musulmans.


Stephan Hoebeeck



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