mardi 9 juin 2015

Quelques sources littéraires des évangiles

Les évangiles offrent des parallèles avec la littérature érotique du Ier siècle. En fait, l'histoire littéraire des évangiles nous demeure inconnue. 

Le chant du coq

Le reniement de Pierre avant que le coq ne chante offre quelques comparaisons avec le Satiricon de Pétrone, dans lequel il est écrit (Chapitre 74):
Comme il, disait ces mots, le coq chanta. Trimalcion, troublé par son cri matinal, pour conjurer le sort, fit répandre du vin sous la table et en fit, par surcroît, arroser les lampes ; il passa même son anneau à la main droite. « Ce n’est pas sans raison, dit-il, que cette trompette donne l’alerte : il va y avoir un incendie quelque part, ou bien il y a, dans le voisinage, quelqu’un sur le point de rendre l’âme. Loin de nous ce présage ! Donc, à qui m’apportera ce trouble-fête je promets une gratification. »
La garde du tombeau

La garde du tombeau offre aussi des parallèles avec les chapitres 111–112 du même Satiricon de Pétrone:
Une dame d’Éphèse s’était acquis une telle réputation de chasteté que, des pays voisins, les femmes venaient la voir comme une curiosité. Cette dame donc, ayant perdu son mari, ne se contenta pas, comme tout le monde, de suivre l’enterrement, les cheveux épars, ou de frapper, devant la foule assemblée, sa poitrine nue, elle voulut accompagner le défunt jusque dans la tombe, garder son corps dans le caveau où, suivant la coutume grecque, on l’avait déposé, et y passer ses jours et ses nuits à le pleurer. Son affliction était telle qu’elle était résolue à se laisser mourir de faim. Parents ni amis n’y purent rien. Les magistrats eux-mêmes durent se retirer sans avoir mieux réussi. Pleurée déjà de tous comme un modèle de constance, elle avait passé cinq jours sans manger. Une servante fidèle assistait la veuve inconsolable et, tout en mêlant ses larmes aux siennes, ranimait la lampe placée dans le caveau chaque fois qu’elle baissait. On ne parlait pas d’autre chose dans la ville, et tous les hommes étaient d’accord pour glorifier cet exemple unique de vraie chasteté et d’amour sincère, quand le gouverneur de la province fit mettre en croix quelques voleurs tout près de l’édicule, où, toute à son deuil récent, la matrone pleurait sur un autre cadavre. La nuit suivante, le soldat qui gardait les croix de peur que quelqu’un ne vînt enlever les corps pour les ensevelir, vit une lumière qui, au milieu de ces sombres monuments, semblait briller d’un éclat plus vif, et entendit des gémissements de deuil. Cédant à la curiosité qui tourmente tout homme au monde, il voulut savoir qui était l’auteur ou quelle était la cause de ces phénomènes. Il descend donc dans le caveau et, tombant sur une femme de toute beauté, tout d’abord il s’arrête, l’esprit troublé d’histoires de fantômes, comme en présence d’une apparition surnaturelle ; mais bientôt, remarquant un cadavre étendu, les larmes de la femme, les marques de ses ongles sur son visage, il pensa, ce qui était vrai, qu’il avait affaire à une veuve incapable de se consoler de la perte de son époux. Il alla donc chercher son modeste souper, essaya de parler raison ; il remontra à la belle éplorée qu’elle avait tort de s’obstiner dans une douleur stérile, que tous ses gémissements ne serviraient à rien, que la même fin nous attendait tous, et aussi, hélas ! le même domicile. Bref, il lui tint tous les discours propres à guérir un cœur ulcéré. Mais elle, choquée qu’un étranger osât la consoler, se déchire le sein de plus belle, s’arrache les cheveux et les jette à poignées sur le corps de celui qu’elle pleure. Le soldat, sans se décourager, insiste de nouveau pour qu’elle prenne au moins quelque nourriture, tant et si bien que la servante, tentée sans doute par l’odeur du vin, et cédant à une instance si obligeante, tendit la première vers le souper sa main vaincue. Aussitôt restaurée, elle se mit à son tour en devoir de battre en brèche l’opiniâtreté de sa maîtresse : « À quoi vous sert-il, dit-elle, de vous laisser mourir de faim, de vous ensevelir toute vive, et, avant la date fixée par les destins, de livrer à l’Achéron une âme qu’il ne réclame pas encore ? Croyez-vous que, dans leur sépulture, cendres ou mânes, les morts se soucient encore de nos pleurs ? Ne voulez-vous pas revenir à la vie ? Ne voulez-vous pas, écartant ces chimères dont se nourrit trop facilement un cœur de femme, jouir de la lumière du jour tant que vous le pourrez ? La vue de ce corps glacé devrait suffire à vous convaincre combien la vie est chose précieuse. » On n’écoute pas impunément une voix amie qui vous exhorte à prendre de la nourriture et à vivre ; la veuve, exténuée par un jeûne de plusieurs jours, laisse enfin vaincre son opiniâtreté ; avec non moins d’avidité que sa servante, elle se garnit l’estomac. Mais elle avait cédé la dernière. Chacun sait quel nouveau besoin s’impose à l’homme aussitôt rassasié. Les mêmes moyens de persuasion par lesquels il avait obtenu que la matrone consente à vivre, le soldat en usa pour faire le siège de sa vertu. Encore jeune, il n’était dépourvu ni de beauté, ni d’éloquence. La chaste veuve s’en était aperçue. Du reste, la servante plaidait la cause du soldat et ne se lassait pas de dire : « Pourquoi lutter contre l’amour, t ne voyez-vous pas en quels lieux se consume votre beauté ? À quoi bon vous faire languir ? » Il y eut une autre partie de sa personne que la pauvre femme ne sut pas mieux défendre que son estomac, et le soldat triomphant put enregistrer un second succès. Donc ils couchèrent ensemble, et non seulement cette nuit même, qui fut celle de leurs noces, mais le lendemain et encore le jour suivant, non sans avoir eu soin de fermer la porte du caveau, de sorte que, si quelque parent ou ami était venu au tombeau, il eût certainement pensé que la trop fidèle épouse avait fini par expirer sur le cadavre de son mari. Quant au soldat, enchanté par la beauté de sa maîtresse et le mystère de l’aventure, il achetait, suivant ses modestes moyens, tout ce qu’il pouvait trouver de bon, et sitôt la nuit venue le portait dans le tombeau. C’est pourquoi les parents d’un des suppliciés, voyant que la surveillance se relâchait, le détachèrent pendant la nuit pour lui rendre les derniers devoirs. Mais le soldat coupable d’avoir abandonné son poste, quand il vit le lendemain une croix dégarnie de son cadavre, terrifié par la crainte du supplice, alla trouver la veuve pour lui raconter ce qui se passait : « Je n’attendrai pas, dit-il, la sentence du juge et, avec cette épée, je ferai moi-même justice de ma négligence. Je ne vous demande qu’une chose : réservez ici une place à celui qui meurt pour vous ; ainsi dans ce même tombeau viendront finir deux tristes destinées : celle de votre époux et celle de votre ami. » Mais cette femme non moins pitoyable que chaste : « Les dieux, dit-elle, ne permettront pas que j’assiste coup sur coup aux funérailles des deux hommes que j’ai le plus aimés ; mieux vaut encore mettre le mort en croix que d’être cause du meurtre du vivant. » Conformément à ce beau discours, elle ordonne à son amant de tirer son mari du cercueil et de l’aller clouer à la croix vacante. Le soldat s’empressa de suivre le conseil ingénieux de cette femme prudente, et, le lendemain, tout Éphèse se demandait comment diable ce mort avait bien pu s’y prendre pour aller se mettre en croix.
La crucifixion

On retrouve aussi d'intéressants parallèles dans le Roman de Chairéas et de Callirhoé composé par Chariton d'Aphrodite vers 50. Voyons d’abord l’expression « porter sa croix ». Dans le Roman, alors que Chairéas a été réduit en esclavage et que lui et son ami Polycharme vont être exécutés pour une révolte avec laquelle ils n’ont rien à voir, nous lisons la phrase (IV, 2, 7) :
Or Polycharme, portant sa croix. Polykharmos de ton stauron bastaxôn.
Ce qui correspond au passage de Luc (14, 27) :
Et quiconque ne porte pas sa croix, etc. ostis ou bastaxèi (porter) ton stauron (croix) eautou.
On trouve encore dans Jean (19, 17) :
et portant lui-même la croix, etc. kai bastaxôn eautôi ton stauron
Chairéas, ayant appris que sa belle va en épouser un autre, dit (IV, 3, 10) : 
Et j’ai porté ma croix. En grec : kai stauron ebastasa
Nous pouvons en conclure que « porter sa croix » était une expression devenue proverbiale, à la vue des condamnés forcés de porter leur croix, alors qu’ils étaient conduits au lieu où ils seraient suppliciés.
Polycharme révéla à Mithridate leurs véritables identités, qui, voyant que Chairéas était déjà monté sur sa croix, cria au bourreau (IV, 3, 6) :
Arrête ! descends-[le] ! En grec : Pheisai — katabêthi
Et les passants qui regardent Jésus crucifié, diront (Mt. 27, 39) :
Descends de la croix ! En grec : katabêthi apo tou staurou !
Dans les deux cas, il y a utilisation de l’impératif, comme le note Ilaria Ramelli.
Mais toutes ces mésaventures que subit Chairéas étaient quelque peu de sa faute. Les prétendants éconduits, en effet, avaient fait croire que la chaste Callirhoé l’avait trompé. Et rendu fou de colère à cause de cet amant imaginaire, il pénètre la demeure de sa fiancée, enfonce la porte de sa chambre et la frappe d’un coup de pied au ventre. Et Callirhoé mourut, du moins, le crut-on. La pauvre jeune fille est, certes, magnifiquement enterrée. C’est ainsi qu’elle finit par se réveiller dans son caveau, frissonante, tremblante, et incapable de raisonner (I, 8, 2) : 
Ensuite, se levant avec peine, elle toucha des couronnes et des bandelettes ; elle faisait sonner l’or et l’argent ; il y avait une forte odeur d’aromates.
Ce qui rappelle ce que raconte Jean (19, 40) :
Ils prirent donc le corps de Jésus et ils le lièrent par des bandelettes avec des aromates, en conformité à l’usage qu’ont les Juifs d’ensevelir.
Ce n’est pas l’usage des Juifs comme le croit Jean, mais l’usage des Grecs qu’il décrit. Et même si Chariton utilise pour « bandelettes », tainiôn et Jean othoniois, nous avons néanmoins d’importantes similitudes.
Callirhoé qui sent qu’elle va mourir car elle est abandonnée de tous et nul n’entend ses cris, c’est alors qu’un cupide pirate nommé Théron qui estime que tout cet or consacré à cette morte serait bien mieux entre ses mains, fait défoncer le tombeau. Callirhoé croit d’abord que c’est un démon qui vient lui tenir compagnie, mais se ravise et se dit que cela doit plutôt être des (I, 9, 3) : tumbôrukhous c’est-à-dire « des voleurs de sépultures ». Si le mot n’est pas prononcé dans les évangiles, il est clair que la garde autour du tombeau est une réminiscence de la crainte qu’on avait face à ce genre de pratiques, excepté que les disciples seront suspectés de voler son cadavre plutôt que des trésors.
Lorsque Chairéas se rend au tombeau, Chariton écrit :
Arrivé sur les lieux, il trouva les blocs de pierre déplacés et l’entrée tout à fait dégagée.
Nous reconnaissons encore une fois que le vocabulaire est différent de celui des évangiles, mais les idées sont parfaitement similaires.
On nous rétorquera que c’est un ange qui accueille les femmes, et l’ange n’est pas absent du récit de Chariton mais, l’ange est la « Renommée », en grec aggelos qui « divulgue cette nouvelle extraordinaire à Syracuse ».
Quand Chairéas et les autres sont entrés, ils comprennent que le tombeau de sa bien-aimée a été victime de violeurs de sépultures, et que le corps a été dérobé. Comme l’a été celui de Jésus.
Lorsque tous entrèrent, ils refusèrent de croire à cela apistias, comme les apôtres refusent de croire les femmes êpistoun
Chairéas, à cause de l’absence du cadavre, dit :
Sans doute je ne savais pas que j’avais pour femme une déesse.
La résurrection des morts ou leur apothéose aux cieux est pour un païen une déification.

Manger ma chair?

L'Évangile de Jean dit:
53. Jésus leur dit : « En vérité, en vérité, je vous le dis, si vous ne mangez la chair du Fils de l’homme, et si vous ne buvez son sang [répugnant], vous n’avez point la vie en vous-mêmes. 54. Celui qui mange ma chair et qui boit mon sang a la vie éternelle ; et je le ressusciterai au dernier jour. 55. Car ma chair est vraiment une nourriture, et mon sang est vraiment un breuvage. 56. Celui qui mange ma chair et qui boit mon sang demeure en moi, et je demeure en lui.
Ces répugnantes allusions à la chair de Jésus que l’on doit manger et à son sang que l’on doit boire, sont mentionnées dans le repas eucharistique décrit par les synoptiques, mais chair est remplacé par corps. Si la signification hermétique est pour nous certaine, il est clair que les passages ont été remaniés par un lecteur un peu trop assidu de Pétrone, ainsi au Chapitre CXLI du Satiricon, nous lisons : 
« J’ai trouvé, dit Eumolpe, un bon moyen de tenir en haleine nos coureurs d’héritages. » Et tirant son testament d’un sac, il nous lut ses dernières volontés : « Tous ceux qui sont couchés sur mon testament, à l’exception de mes affranchis, ne pourront toucher ce que je leur laisse qu’à la condition, après avoir préalablement coupé mon corps en morceaux, de le manger en présence du peuple assemblé. Pour qu’ils ne s’effrayent pas plus qu’il ne convient, qu’ils sachent que c’est une coutume observée chez certains peuples de faire manger les défunts par leurs proches, et cela est si vrai que l’on conjure souvent les moribonds de se hâter d’en finir pour ne point trop, gâter leur viande. Ceci pour encourager mes amis à ne pas me refuser ce que je demande, mais à déguster ma chair avec un zèle égal à celui avec lequel ils souhaitent : le départ de mon âme pour le royaume des ombres. »
L’onction à Bethanie

L’onction à Bethanie s’articule en trois versions, celle de Matthieu (26, 6–13) et de Marc (14, 3–9) qui sont similaires, et celle de Jean (12, 1–11) qui diverge. Les versions des évangiles diffèrent sur les points suivants : le lieu où cela se passe (chez Simon le Lépreux d’après les synoptiques, chez Lazare d’après Jean) ; les synoptiques ne nomment pas la femme qui oignit Jésus, alors que Jean dit que c’est Marie. Si tous les évangiles sont d’accord pour dire que celui qui se plaignit du gaspillage est Judas, seul Jean précise que Judas espérait vendre le parfum afin de pouvoir détourner à son profit cet argent. Nous en proposons une version composite.
Comme Jésus était à Béthanie, dans la maison de Simon le lépreux (Jean : Lazare qu’il avait ressuscité des morts), une femme s’approcha de lui, tenant un vase d’albâtre, qui renfermait un parfum de nard de grand prix ; et, pendant qu’il était à table, elle répandit le parfum sur sa tête (Jean : oignit les pieds de Jésus, et elle lui essuya les pieds avec ses cheveux ; et la maison fut remplie de l’odeur du parfum). Les disciples (Jean : Un de ses disciples, Judas Iscariot, fils de Simon, celui qui devait le livrer), voyant cela, s’indignèrent, et dirent : « À quoi bon cette perte ? On aurait pu vendre ce parfum très cher (Jean : trois cent deniers), et en donner le prix aux pauvres. » (Jean : Il disait cela, non qu’il se mît en peine des pauvres, mais parce qu’il était voleur, et que, tenant la bourse, il prenait ce qu’on y mettait.) Jésus, s’en étant aperçu, leur dit : « En répandant ce parfum sur mon corps, elle l’a fait pour ma sépulture. Pourquoi faites-vous de la peine à cette femme ? Elle a fait une bonne action à mon égard ; car vous avez toujours des pauvres avec vous, mais vous ne m’avez pas toujours. Je vous le dis en vérité, partout où cette bonne nouvelle sera prêchée, dans le monde entier, on racontera aussi en mémoire de cette femme ce qu’elle a fait. » (Jean : Une grande multitude de Juifs apprirent que Jésus était à Béthanie ; et ils y vinrent, non pas seulement à cause de lui, mais aussi pour voir Lazare, qu’il avait ressuscité des morts. Les principaux sacrificateurs délibérèrent de faire mourir aussi Lazare, parce que beaucoup de Juifs se retiraient d’eux à cause de lui, et croyaient en Jésus.)
Cette péricope offre des similitudes avec les Chapitres 77–78 du Satiricon de Pétrone, un texte éroticopornographique, dont voici le passage en question : 
Et il y a bien ici d’autres choses que je vais vous montrer tout à l’heure. « Croyez-moi : Tu as un sou, tu ne vaux qu’un sou ; sois riche et tu seras considéré. Ainsi moi, votre ami, qui n’étais qu’un ver de terre, me voilà roi. En attendant, Stichus, apporte-nous les vêtements funéraires dans lesquels je veux être enseveli ; apporte-nous aussi les parfums et un échantillon de cette amphore dont je désire qu’on arrose mes os. » Stichus ne fut pas long. Il rapporta dans la salle à manger une tunique blanche et une robe prétexte. Pygmalion nous pria de les tâter pour voir si elles étaient en bonne laine. Il ajouta en souriant : « Prends garde, Stichus, que les rats ou les teignes ne s’y mettent, car je te ferais brûler vif. Je veux avoir un bel enterrement, afin que tout le peuple bénisse ma mémoire. » Aussitôt, il débouche une fiole de nard et nous en fait frictionner, à la ronde : « J’espère, dit-il, qu’il me fera autant de plaisir après ma mort que maintenant. » Il fit verser du vin dans un grand vase et dit : « Supposons que vous êtes invités à mon repas de funérailles. » Cette lugubre comédie tournait au vomissement quand Trimalcion, ivre mort, s’avisa d’un nouveau divertissement : il fit entrer dans la salle des joueurs de cor et, soutenu par une pile de coussins, s’étendit sur un lit de parade : « Figurez-vous, dit-il, que je suis mort, et faites-moi un beau discours. » Les cors émirent aussitôt des sons lugubres.


Comparaison entre les récits de la mort de Jésus et de la destruction du Temple d'après Flavius Josèphe

Voici maintenant une version résumée dans laquelle nous comparons les deux récits :
Les Évangiles:
Jésus est arrêté par les mauvais Juifs.
Flavius Josèphe:
Les mauvais Juifs occupent le Temple
Les Évangiles:
Jésus est condamné par les Juifs
Flavius Josèphe:
Les insurgés incendièrent donc le portique du côté nord-ouest, là où il se rattachait à la tour Antonia, puis en abattirent environ vingt coudées, commençant ainsi de leurs propres mains l’incendie des saints lieux. (VI, ii, 9)
Les Évangiles:
Les Juifs livrent Jésus aux Romains, parce qu’ils ne peuvent pas le condamner eux-mêmes à mort.
Flavius Josèphe:
Donc, alors qu’ils eussent pu s’opposer aux incendies, ils ne firent rien devant l’envahissement de la flamme et se contentèrent d’en mesurer les progrès et l’utilité qu’ils en pouvaient retirer. (VI, ii, 9.)
Les Évangiles:
Mais ils [les prêtres] insistèrent, et dirent : « Il soulève le peuple, en enseignant par toute la Judée, depuis la Galilée, où il a commencé, jusqu’ici. »
Flavius Josèphe:
jamais les Juifs ne cesseront de se révolter, tant que le Temple où ils se rassemblent de tous les endroits du monde subsistera
Les Évangiles:
Pilate dit aux principaux sacrificateurs et à la foule : « Je ne trouve rien de coupable en cet homme. »
Flavius Josèphe:
Titus déclara que, même si les Juifs montaient sur le Temple pour combattre, lui-même ne se vengerait pas sur des objets inanimés de fautes commises par des hommes, et qu’il ne brûlerait jamais un si bel ouvrage.
Les Évangiles:
Pendant qu’il était assis sur le tribunal, sa femme lui fit dire : Qu’il n’y ait rien entre toi et ce juste ; car aujourd’hui j’ai beaucoup souffert en songe à cause de lui.
Flavius Josèphe:
[Comme si Bérénice n’était pas intervenue auprès de son amant, Titus pour sauver le Temple. Mais cela Flavius Josèphe ne peut pas le dire publiquement.]
Les Évangiles:
Le peuple demande qu’on libère Barabas qui était un brigand et qu’on tue Jésus
Flavius Josèphe:
Titus veut épargner leur ville, mais les insurgés doivent se rendre mais ils dirent qu’ils feraient, aussi longtemps qu’ils respireraient, le plus de mal possible aux Romains ; qu’ils ne se soucient pas de la perte de leur patrie, puisque, comme il dit, ils doivent bientôt périr.
Les Évangiles:
Le gouverneur dit : « Mais quel mal a-t-il fait ? » Et ils crièrent encore plus fort : « Qu’il soit crucifié ! » Pilate, voyant qu’il ne gagnait rien, mais que le tumulte augmentait, prit de l’eau, se lava les mains en présence de la foule, et dit : « Je suis innocent du sang de ce juste. Cela vous regarde. » Et tout le peuple répondit : « Que son sang retombe sur nous et sur nos enfants ! » 
Flavius Josèphe:
Mais l’origine et la cause de l’incendie doivent être attribuées aux Juifs eux-mêmes. (VI, iv, 5). C’est ainsi que le Temple fut brûlé malgré César. (VI, iv, 7)

Les miracles de Jésus

Plusieurs miracles de Jésus ont été faits aussi par l’empereur Vespasien, qui guérissait des aveugles, des boiteux et des hommes aux mains paralysées. 
Voyons d’abord ce que dit Suétone dans La Vie des Douze Césars (Vespasien, §7) :
Cependant personne n’avait introduit ce Basilidès, que la goutte empêchait depuis longtemps de marcher, et que tout le monde savait être fort éloigné de là. Aussitôt arriva une lettre qui annonçait que les troupes de Vitellius avaient été défaites à Crémone, et qu’il avait été tué à Rome. Vespasien, prince nouveau et en quelque sorte improvisé, manquait encore de ce majestueux prestige qui appartient au souverain pouvoir: il ne se fit pas attendre. Deux hommes du peuple, l’un aveugle et l’autre boiteux, se présentèrent devant son tribunal, le priant de les guérir, sur l’assurance que Sérapis leur avait donnée pendant leur sommeil, que l’un recouvrerait la vue, si l’empereur voulait imprégner ses yeux de salive, et que l’autre se tiendrait ferme sur ses jambes, s’il daignait le toucher du pied. Vespasien, n’augurant aucun succès d’une telle cure, n’osait pas même l’essayer. Ses amis l’encouragèrent. Il fit donc l’une et l’autre expérience devant le peuple assemblé, et réussit. Vers le même temps, sur l’indication des devins, on déterra à Tégée, en Arcadie, des vases antiques qui étaient enfouis dans un lieu consacré, et l’on y reconnut la vivante image de Vespasien.
Nous trouvons aussi dans Tacite, Histoires, Livre IV, §81 : 
Pendant les mois que Vespasien passa dans Alexandrie, pour attendre le retour périodique des vents d’été et la saison où la mer devient sûre, plusieurs prodiges arrivèrent, par où se manifestèrent la faveur du ciel et l’intérêt que les dieux semblaient prendre à ce prince. Un Alexandrin, homme du peuple, connu pour avoir perdu la vue, se jette à ses genoux et implore en gémissant un remède à son mal. Il se disait envoyé par une révélation de Sérapis, la principale divinité de cette nation superstitieuse, et il conjurait l’empereur de daigner lui humecter les joues et les yeux avec la salive de sa bouche. Un autre, perclus de la main, demandait, sur la foi du même dieu, que cette main fût foulée par le pied de César. Vespasien les repoussa d’abord avec moquerie. Comme ils insistaient, le prince hésita : tantôt il craignait le reproche d’une crédule présomption, tantôt l’ardeur de leurs prières et les flatteries des courtisans lui donnaient de la confiance. Enfin il ordonne aux médecins d’examiner si le mal qui prive l’un de ses yeux, l’autre de son bras, peut être vaincu par des moyens humains. Les médecins, après des raisonnements divers, répondirent « que la force visuelle n’était pas détruite dans l’aveugle, et qu’elle reviendrait si on écartait l’obstacle ; que la main de l’autre, jetée hors de sa position naturelle, y pouvait être rétablie par une salutaire pression ; que peut-être c’était la volonté des dieux, et qu’ils avaient choisi le prince pour instrument de leurs œuvres ; qu’après tout, si le remède opérait, la gloire en serait à César ; s’il était vain, le ridicule tomberait sur ces misérables. » Vespasien, plein de l’idée que tout est possible à sa fortune, et ne voyant plus rien d’incroyable, prend un air satisfait, et, au milieu d’une foule attentive et curieuse, il exécute ce qui est prescrit. À l’instant la main paralysée est rendue à ses fonctions, et le jour brille aux yeux de l’aveugle. Ces deux prodiges, des témoins oculaires les racontent encore aujourd’hui que le mensonge est sans intérêt.
Ces miracles sont attribués à Jésus dans les évangiles. Nous avons une guérison de deux aveugles en Matthieu 9, 27-31, mais le miracle est attribué à la foi. Les autres guérisons d’aveugles sont décrites en Marc 8, 22–27 et en Jean 9, 1–41. Dans Marc, nous trouvons le passage suivant :
Ils se rendirent à Bethsaïda; et on amena vers Jésus un aveugle, qu’on le pria de toucher. Il prit l’aveugle par la main, et le conduisit hors du village; puis il lui mit de la salive sur les yeux, lui imposa les mains, et lui demanda s’il voyait quelque chose. Il regarda, et dit: J’aperçois les hommes, mais j’en vois comme des arbres, et qui marchent. Jésus lui mit de nouveau les mains sur les yeux; et, quand l’aveugle regarda fixement, il fut guéri, et vit tout distinctement.
Similaire à Jean, qui écrit : 
Après avoir dit cela, il cracha à terre, et fit de la boue avec sa salive. Puis il appliqua cette boue sur les yeux de l’aveugle, et lui dit : « Va, et lave-toi au réservoir de Siloé (nom qui signifie “envoyé”). » Il y alla, se lava, et s’en retourna voyant clair. 
Notons que chez Jean, ce passage est suivi de spéculations sur la divinité de Jésus, similaire aux interrogations de Vespasien sur sa propre divinité, le tout accompagné de l’antisémitisme duquel est coutumier l’Évangile de Jean. 
Notons encore que quelques passages de la péricope peuvent se rapporter à l’esprit de Vérité qui est le guide intérieur :
Pendant que je suis dans le monde, je suis la lumière du monde.
Le passage suivant est valide, mais hors contexte, il se rapporte aux responsabilités supplémentaires de l’homme dont la connaissance spirituelle augmente :
Si vous étiez aveugles, vous n’auriez pas de péché. Mais maintenant vous dites : “Nous voyons.” C’est pour cela que votre péché subsiste.
Le boiteux est similaire au paralytique dont la guérison est décrite en Matthieu 9, 1–8, Marc 2, 1–12 et Luc 5, 17–26, notons que dans ces passages les guérisons sont présentées comme étant issues de la faculté qu’aurait Jésus de pardonner les péchés. Nous vous proposons la version de Marc (Luc est similaire, Matthieu résume) :
Quelques jours après, Jésus revint à Capernaüm. On apprit qu’il était à la maison, et il s’assembla un si grand nombre de personnes que l’espace devant la porte ne pouvait plus les contenir. Il leur annonçait la parole. Des gens vinrent à lui, amenant un paralytique porté par quatre hommes. Comme ils ne pouvaient l’aborder, à cause de la foule, ils découvrirent le toit de la maison où il était, et ils descendirent par cette ouverture le lit sur lequel le paralytique était couché. Jésus, voyant leur foi, dit au paralytique : « Mon enfant, tes péchés sont pardonnés. » Il y avait là quelques scribes, qui étaient assis, et qui se disaient au dedans d’eux : « Comment cet homme parle-t-il ainsi ? Il blasphème. Qui peut pardonner les péchés, si ce n’est Dieu seul ? » Jésus, ayant aussitôt connu par son esprit ce qu’ils pensaient au dedans d’eux, leur dit : « Pourquoi avez-vous de telles pensées dans vos cœurs ? Lequel est le plus aisé, de dire au paralytique : “Tes péchés sont pardonnés”, ou de dire : “Lève-toi, prends ton lit, et marche ?” Or, afin que vous sachiez que le Fils de l’homme a sur la terre le pouvoir de pardonner les péchés : “Je te l’ordonne”, dit-il au paralytique, “lève-toi, prends ton lit, et va dans ta maison.” » Et, à l’instant, il se leva, prit son lit, et sortit en présence de tout le monde, de sorte qu’ils étaient tous dans l’étonnement et glorifiaient Dieu, disant : « Nous n’avons jamais rien vu de pareil. »
Certes un paralytique n’est pas tout à fait un boiteux, mais notons l’importance d’avoir la foi en Vespasien, l’évangile encourage la dévotion aux êtres humains. On nous dira que Vespasien n’est pas Dieu, mais que Jésus le serait. Suétone dans La Vie des Douze Césars (Vespasien, §23) :
Ni le danger, ni la crainte de la mort ne l’empêchaient de plaisanter. [...] Dès le commencement de sa maladie [qui devait l’emporter], il se mit à dire : « Je crois que je deviens dieu. »
L’idée que Vespasien est Dieu est commune à l’époque. Pour nous, la déification de Jésus, c’est du paganisme.
La guérison d’une main par Jésus se retrouve aussi dans les évangiles, en Matthieu 12, 9–15, en Marc 3, 1–6, en Luc 6, 6–11 et dans l’Évangile des Nazoréens. Notons encore que les textes visent à contredire le repos du sabbat, et que ce miracle sera l’une des raisons pour laquelle les pharisiens et les hérodiens (?) veulent le faire mourir. Nous vous proposons un texte composite qui tient compte des nuances qui proviennent de l’Évangile des Nazoréens : 
Étant parti de là, Jésus entra dans la synagogue. Et voici, il s’y trouvait un homme qui avait la main sèche. Il dit à Jésus : « J’étais maçon, et c’est par mes mains que j’arrivais à vivre ; je t’en prie, Jésus, rends-moi la santé, de façon à ce que je n’aie pas la honte de mendier ma nourriture. » Alors il dit à l’homme : « Étends ta main. » Il l’étendit, et elle devint saine comme l’autre.
Comme nous le voyons, les miracles de Jésus copient les miracles attribués à l’empereur Vespasien.

Ecce homo
Les évangiles de Matthieu et de Marc mentionnent que Jésus fut revêtu par les soldats d’une chlamyde écarlate chez Matthieu et seulement de pourpre chez Marc, qu’ensuite Matthieu raconte qu’ils lui tressèrent une couronne d’épines sur la tête et qu’ils lui mirent un roseau dans la main droite et qu’ils fléchirent le genou devant lui. Matthieu et Marc convergent alors en affirmant qu’il fut salué comme « Roi des Juifs », qu’ils le frappèrent à la tête avec un roseau. Ensuite il fut dévêtu de ses vêtements royaux et revêtu de ses anciens vêtements. Luc ne mentionne rien de cela. 
Cet épisode cruel est un copier-coller d’un épisode mentionné dans l’In Flaccum de Philon d’Alexandrie et qui s’est déroulé dans les troubles qui suivirent la venue du roi Agrippa à Alexandrie, certains en vinrent à prétendre qu’il fut acclamé par les Juifs comme étant leur Roi, ce qui suscita des émeutes dans la ville, en disant que les Juifs n’étaient plus fidèles à l’Empereur de Rome (notons la manière dont les juifs accusent Pilate, dans Jean), et donc Philon écrit : 
[36.] Il y avait un dénommé Carabas (notons la proximité Carabas-Barabas, même si carabas pourrait être un terme de marine portuaire), atteint de folie, non pas de folie sauvage et bestiale — car cette dernière est dangereuse pour ceux qui en sont atteints et pour ceux qui les approchent —, mais de folie bénigne et douce (ce que nous appellerions « un simple d’esprit »). Cet individu qui restait nu jour et nuit par les chemins, sans chercher à éviter la chaleur ni le froid, était le jouet des gamins et des jeunes désœuvrés. [37.] Ils poussèrent ensemble ce malheureux jusqu’au gymnase, l’installèrent dans le haut, bien en vue de tout le monde. Ils aplanissent une feuille de papyrus qu’ils lui mettent sur la tête en guise de diadème. Ils lui couvrent le reste du corps d’une carpette en guise de chlamyde et, en guise de sceptre, l’un d’eux lui remet un petit bout de tige de papyrus du pays, qu’il avait aperçu, jeté au rebut sur la route. [38.] Quand on lui eut remis, comme au théâtre dans les farces les insignes de la royauté et qu’il fut attifé en roi, de jeunes garçons, en guise de lanciers, bâton sur l’épaule, lui firent la haie des deux côtés, en jouant les gardes du corps. Ensuite, d’autres s’avancèrent, qui pour le saluer, qui pour se faire rendre justice, qui pour lui présenter des requêtes d’intérêt public. [39.] Puis de la foule debout tout autour, retentit un cri étrange, le nom de Marin — il paraît que c’est le titre qu’on donne au souverain en Syrie —, car ils savaient qu’Agrippa était de race syrienne et que c’était une partie importante de la Syrie qu’il avait en royaume. [40.] En apprenant tout cela, ou plutôt en le voyant, Flaccus aurait pu, à bon droit, faire prendre le fou et le faire emprisonner pour enlever à ceux qui l’accablaient d’injures une occasion de passer à l’outrage envers les personnes de haut rang. Il aurait dû punir les organisateurs de la scène, puisqu’ils avaient osé outrager tant par les voies de fait qu’en paroles, tant ouvertement que de manière détournée, un roi ami de l’empereur et à qui le Sénat romain avait décerné les insignes prétoriens.
Le travestissement de Carabas aura influencé la rédaction sur la prétention à la royauté de Jésus et sur les vêtements royaux dont il fut déguisé. Il semble que Carabas finira exécuté purement et simplement. Quand les juifs disent : Quiconque se fait roi, conteste César, c’est comme un écho aux reproches des Alexandrins à propos d’Agrippa lors de son séjour à Alexandrie.





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